Banques : illiquides ou insolvables ?
Les banques centrales, une fois de plus, ont volé au secours du système. Voilà donc les Etats-Unis, le Japon, la Grande Bretagne et la Suisse qui ont annoncé la semaine dernière la mise en place de prêts en faveur de la BCE d’une durée de trois mois afin de répondre aux besoins de l’Union Européenne jusqu’à la fin de cette année. En réalité, ces financements libellés en billet vert ne nous sont en rien destinés à nous, citoyens de la zone Euro ou à nos PME. C’est à l’évidence nos établissements bancaires qui sont les bénéficiaires de cette concertation des banques centrales majeures de ce monde car les grands fonds obligataires américains (money market funds) ne financent plus nos banques européennes. Ces dernières ayant un besoin incompressible en monnaie américaine pour financer leurs avoirs et activités libellés en dollars. Les grands argentiers et financiers US s’abstiennent en effet depuis plusieurs mois de fournir leurs liquidités en dollars à notre système bancaire, craignant que l’aggravation de la crise européenne n’affecte sérieusement nos banques. Selon le Wall Street Journal, c’est pas moins de 700 milliards de dollars qui auraient été refusés aux banques de l’Union !
Ces lignes de crédit sauveront la mise de nos banques pendant quelques mois mais ne nous faisons aucune illusion car il s’agit tout au plus d’un sursis qui leur est accordé. En effet, à la source même de ces problématiques de liquidités que doivent gérer nos banques se retrouve l’insolvabilité de certains Etats européens. Dit plus crument, les autorités de l’Union se résigneraient bien à un ou à deux défauts de paiement de pays de l’Europe périphérique tant que cette banqueroute n’affecte pas les banques européennes ! Et, comme les crises de liquidités précèdent très souvent les crises d’insolvabilité, il devient donc impératif – voire vital – de procéder à des recapitalisations massives de notre système bancaire si le but est bien de lui permettre de traverser les défauts de paiement des dettes souveraines européennes sain et sauf.
Souvenons-nous à cet égard des périls bancaires américains de 2008 qui ne furent pas réglés pas la générosité de la Réserve Fédérale ayant grandement ouvert les vannes de ses liquidités. Ce ne fut ainsi qu’à la faveur d’un programme agressif (TARP) visant à isoler les actifs toxiques combiné à des recapitalisations massives couronnées de stress-tests crédibles que les banques US furent réellement sorties d’affaire. Les grandes difficultés des banques américaines à accéder au financement usuel – en fait leurs ennuis de liquidités – étaient directement provoquées par les grandes interrogations autour de la solvabilité des titres subprimes et de ceux des établissements qui en avaient dans leurs portefeuilles et en quelles quantités. Il n’en va aujourd’hui pas autrement pour les banques européennes dont nul ne sait exactement en quelles proportions elles détiennent des Bons du Trésor de pays européens qui ne vaudront plus un clou en cas de faillite du pays émetteur.
Autrement dit, cet apport de liquidités supplémentaires – fût-il de la part des principales banques centrales de la planète – en faveur des établissements financiers européens risque fort de n’être qu’un palliatif car les faits sont aujourd’hui incontestables : les banques de l’Union sont aujourd’hui dans une posture encore moins brillante que suite à la faillite de Lehman en 2008. Episode Lehman qui permit en outre de tirer un autre enseignement fondamental, à savoir que l’efficacité de l’action des banques centrales atteint forcément ses limites qui sont dessinées par la structure même de la crise. Si effectivement les banques centrales sont tout à fait en mesure de calmer le jeu et de rassurer dans le cadre d’un gel momentané des liquidités, seule l’action publique est capable de solutionner les insolvabilités bancaires.
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