
Où va l’Allemagne ?
Effondrement du P.I.B. et donc de la croissance allemande. Pas étonnant pour un pays qui parasite la croissance des autres par la courroie de transmission de ses exportations. Nouveau proverbe: quand la Chine s’enrhume, l’Allemagne éternue!
Eh oui, après avoir abattu la carte de l’euro fort – depuis la création de l’union monétaire – qui s’est traduite par l’apparition de larges déséquilibres entre les pays-membres de l’union depuis 2002, l’économie allemande a accumulé des excédents toujours plus larges de son compte courant et ceux-ci ont été supérieurs à 7 % du PIB depuis 2007, atteignant même 8 % de son PIB en 2016, alors que tous les économistes qui se respectent savent que les excédents des uns ont pour corrolaire les déficits des autres en causant de graves déséquilibres mondiaux. Pourtant, l’Allemagne n’a eu de cesse à bénéficier d’un blanc-seing des technocrates pour suivre la charge contre « ses partenaires européens » en ces périodes délicates pour le libre-échange. Paradoxalement, même si le FMI et la Commission européenne se sont inquiétés des larges excédents commerciaux de l’Allemagne, sans compter les préoccupations du Trésor américain, l’obscurantisme germain a incrusté sa marque de fabrique sur le dos de « ses partenaires ». Si la performance extérieure en trompe l’oeil – et à court terme – une plus grande compétitivité du « joueur/parieur » de la zone euro, il n’en demeure pas moins que sa deuxième carte lancée sur le tapis vert de la déflation salariale – dans les années 2000 – par le truchement des réformes Hartz, a permis « au joueur/parieur » de gagner en compétitivité. Et si cette main explique pourquoi l’Allemagne exporte beaucoup, elle n’explique pas la faiblesse de ses importations. En effet, la création des excédents courants s’explique par le fait que l’Allemagne de Luther épargne davantage qu’elle n’investit (ne serait-ce que sur le plan domestique où le niveau de délabrement de ses infrastructures est emblématique) et ne peut, en ce sens, générer un excès d’épargne que si le reste du monde l’absorbe d’une manière ou d’une autre.
En l’occurrence, c’est essentiellement la zone euro qui absorba l’excès d’épargne, la monnaie unique empêchant les Etats membres d’utiliser les taux d’intérêt ou à déprécier leur taux de change (guerre de monnaies) si bien que certaines économies durent finalement importer l’épargne allemande. Ces capitaux extérieurs ont aussi alimenté le crédit et celui-ci a lui-même nourri la formation de bulles, notamment sur les marchés immobiliers en Espagne. Avec cet ensemble formant un pari infernal, les pays dits « périphériques » virent leurs soldes courants se dégrader significativement : soit leurs excédents courants laissèrent place à un déficit, soit leurs déficits courants s’aggravèrent. Ils ont accru leurs dépenses d’investissement, en particulier dans le secteur immobilier (bulle). La seule hausse de l’investissement (entre-autres de l’immobilier) ne suffissant toutefois pas à absorber l’excès d’épargne allemande, les ménages des pays périphériques ont également réduit leur taux d’épargne en accroissant leurs dépenses plus rapidement que n’augmentaient leurs revenus. La hausse des prix d’actifs et notamment la hausse des prix immobiliers (bulle) généra un puissant effet de richesse et entretint l’optimisme dans les pays périphériques. Le déclin de l’emploi dans les secteurs des biens exportables fut plus que compensé par les créations d’emplois dans les secteurs des services et de l’immobilier grâce au boom de la consommation. Avec la crise financière mondiale, les entrées de capitaux se tarirent et la demande privée s’effondra en provoquant de larges déficits publics. Avec l’évolution de la crise européenne alimentée par le poids du « joueur/parieur » sur la scène politique et économique, son bruit de bottes à Bruxelles et à la BCE, et après avoir contribuer à vider les poches de ses partenaires de jeu, l’Allemagne a pu réajuster son « pari fou » avec les USA en premier chef, puis à présent avec la Chine.
Puisque l’Allemagne a réajusté ses importations – mais que ces dernières érodent considérablement l’excédent commercial qui est la condition par lequel l’euro sert à extraire des profits à travers le continent européen (lequel est sinistré en terme de croissance) en faveur du capital allemand, le joueur a donc aussi réajusté son pari…mais sur la Chine.
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Oui, la Chine est depuis trois ans le principal partenaire commercial de l’Allemagne avec un volume total d’échanges de 199,3 milliards d’euro en 2018, selon des chiffres préliminaires publiés par l’Office fédéral des statistiques allemand (Statistisches Bundesamt, Destatis). La Chine représente donc la plus grande part des importations en Allemagne avec des marchandises d’une valeur de 106,2 milliards d’euros, suivie des Pays-Bas avec 98,2 milliards d’euros et de la France avec 65,2 milliards d’euros. Question de l’axe Franco-Allemand, dans une main nous avons 200 milliards d’euro et dans l’autre 65 milliards d’euros pour la France. A votre avis, qui a le plus d’influence auprès des autorités allemandes ? La Chine, bien évidemment, et c’est la raison pour laquelle l’Europe influencée par l’Allemagne, qui est sa première économie, ne bougera pas d’un iota et ne réformera pas cette mondialisation qui est si préjudiciable à l’Europe.
Oui, cher Michel, le soldat malade de l’Europe demeure toujours l’Allemagne.
Non Raymond : le soldat malade de l’Europe n’est pas l’Allemagne ! C’est l’Europe qui est tres malade surtout si les Herr DKR sont des libéraux, fussent-ils keynésiens et qu’on mesure son état de santé via les vieux thermomètres de la croissance (et du) PIB….Il faut changer le paradigme (vous vous souvenez….?)…qui ne se résume pas à l’austérité (ou son contraire) mais une nouvelle approche du développement (qui est différent de la croissance) raisonné, rationnel = assez de pleurer sur le lait répandu ou la recherche des “responsables/responsabilités” = même si pas tous coupables, nous sommes tous condamnés….il faudrait peut être s’intéresser aux chefs des galères (j’ai pas dit des galeries 😉
…le”parti de la rente ” (euh Michel Santi doit en savoir qqchose, Non ?)…a+
Voyez-vous, Bernard, des analyses moins conventionnelles me poussent à poser le diagnostic provocateur que l’Allemagne est (et reste) malade de ses ambitions contre-productives à l’Union (et paradoxalement, contre-productives à son propre Intérêt général). Et si un schisme existe bien entre ordo-libéralisme luthérien et néo-libéralisme latin, ces deux doctrines accouplées ont pourtant permis l’accouchement de la pensée dominante. Question du PIB, nous sommes d’accord sur cet élément puisque j’ai moi-même posté un long commentaire détaillé sur ce thème (avec des liens et références), à votre attention, suite à votre épingle sur Michel Santi. Mais voyez-vous, si les hétérodoxes, minoritaires dans les « sciences économiques et sociales » souhaitent un nouvel outil de mesure, les tenants de la pensée dominante (majoritaires) ne sont pas disposés à faire bouger les lignes de fractures ; encore moins à bouleverser l’ordre établi en adoptant, par exemple, le BNB (Bonheur National Brut) comme le fit le Bhoutan.
Ceci dit, puisque vous souhaitez un changement de paradigme comme une foule d’économistes, alors je vous invite à lire un extrait du billet du professeur d’économie (hétérodoxe) de l’Université de Fribourg (Suisse) – Dr. Sergio Rossi – et méditer sur la gravité de l’avenir des « sciences économiques »
L’ économisation de la recherche scientifique :
« Le Conseil suisse de la science et de l’innovation (l’organe consultatif du Conseil fédéral en la matière) a publié une intéressante étude sur les constellations d’acteurs du système suisse de la formation, de la recherche et de l’innovation. Cette étude dénonce l’«économisation» des logiques imposées à la formation et à la recherche au sein des hautes écoles suisses, qui sont désormais censées «produire une valeur financière rapidement exploitable sur le marché» (page 33).
Depuis les années 1990, les enseignants–chercheurs dans les universités suisses (comme dans bien d’autres pays occidentaux) sont soumis aux mécanismes de la concurrence par un système qui fait «de l’efficience mesurable le critère déterminant» (ibid.) pour leur propre carrière. «Des instruments non scientifiques sont censés créer des incitations à la performance scientifique» (ibid.). Les dynamiques de recherche que ce système a créées et entretient comportent, entre autres, «la “projectivisation”, c’est-à-dire le morcellement de la recherche en problèmes et réponses étroitement limités dans le temps, cernables et évaluables. Cette logique de concurrence étrangère à la science favorise les encouragements sur le court terme ainsi qu’un élargissement purement quantitatif de la recherche» (ibid.).
En clair, les enseignants–chercheurs sont amenés à négliger de plus en plus leurs activités d’enseignement et d’encadrement des travaux d’étudiants, pour se consacrer de manière acharnée à la concurrence en matière de recherche, selon les critères quantitatifs instaurés par la pensée dominante (proche des acteurs économiques prépondérants).
Dans le domaine des «sciences économiques», notamment, les places de professeur mises au concours sont occupées, de manière exclusive désormais, par les candidats ayant publié des papiers dans les revues scientifiques classées comme étant les meilleures par les tenants de la pensée dominante (de matrice néolibérale). La «concurrence» ne joue, désormais, qu’au sein de cette école de pensée, étant donné que toute autre conception paradigmatique de l’analyse économique est ignorée, du fait que ses adeptes sont exclus des «meilleures revues» établies à partir des classements retenus pour accéder à un poste de professeur universitaire. Les principes essentiels régissant l’université – un lieu où la liberté de recherche, la dialectique scientifique, l’originalité et l’esprit critique étaient encouragés pour contribuer au bien commun – sont ainsi bafoués pour être remplacés par le conformisme et le caractère autoréférentiel des travaux de recherche visant la carrière de leurs auteurs avant tout »