Peut mieux faire !

mars 26, 2010 0 Par Michel Santi

Dans un papier préparé pour le Brookings Institute, Alan Greespan prétend que c’est n’est pas tant les taux d’intérêts très bas que bien plus le manque de régulation qui est aux origines de la crise. Pourtant, l’ancien patron de la Réserve Fédérale, qui semble oublier qu’une partie de la régulation financière était du ressort de son institution, est démenti par les faits car les taux US ont à l’évidence eu un impact considérable sur les comportements de l’ensemble des agents économiques.

En effet – phénomène sans précédent – les taux Américains, qui ont commencé à être réduits agressivement à partir de Janvier 2001 pour être maintenus à 2% pendant 36 mois et à 1% pendant 12 mois, ont eu un impact considérable dans au moins deux domaines clés, à savoir le marché immobilier et le comportement des négociants en obligations.

L’acquisition d’un bien immobilier via un crédit à taux quasi nul s’apparente ainsi bien plus à un investissement spéculatif avec effet de levier qu’à un placement conservateur du fait de la charge anormalement réduite des coà»ts de financement en comparaison avec le prix de l’actif acheté. Les taux d’intérêts excessivement bas se traduisent donc mécaniquement par des prix immobiliers plus élevés car toute une gamme de spéculateurs sont dès lors attirés par la charge réduite d’un investissement qui plus est susceptible d’être revendu avec profits dans le cadre d’un marché euphorique.

Par ailleurs, la titrisation des prêts subprimes a offert une opportunité rare aux fonds de pension, gérants, trusts et autres investisseurs en mal de rentabilité mais qui ne pouvaient placer leurs deniers que dans des papiers valeurs crédibles et cotés. Ces subprimes représentaient effectivement un filon inespéré pour les entreprises de Wall Street qui avaient tiré tout ce qu’il y avait à tirer de la titrisation des crédits à la consommation, crédits auto, sur cartes de crédit ou prêts étudiants… La titrisation à hauts rendements de prêts immobiliers consentis à des ménages peu solvables mais qui étaient néanmoins dotés d’une notation enviables n’était-elle pas une aubaine pour ces professionnels avides de rentabilité dans un contexte de taux très bas?

Cette déficience criante de régulation ayant permis à des agences de notation corrompues de noter au maximum des papiers valeurs pourris fut ainsi accompagnée et rendue possible par un terreau ( le niveau des taux d’intérêts ) plus que favorable à ces comportements abusifs. Devant le succès manifeste de ces produits basés sur des crédits dont nul ne se posait réellement la question s’ils seraient un jour remboursés mais qui autorisaient un rendement nettement au-dessus de ce qui se pratiquait sur le marché classique, Wall Street rivalisait alors d’inventivité en commençant par les prêts à taux variables pour poursuivre avec des crédits dont seuls les intérêts devaient être remboursés (Interest Only) et terminer avec des prêts o๠le débiteur s’acquittait d’une mensualité inférieureà l’intérêt de sa dette (Negative Amortization), le différentiel étant progressivement rajouté au montant de son crédit! Comme l’ivresse se devait d’être totale dans un marché o๠les prix immobiliers ne faisaient que s’apprécier, l’emprunteur devait chaque mois à la banque plus que ce qu’il lui devait le mois précédent…

Pourtant, la Réserve Fédérale, dont le devoir était de réglementer cette activité afin de protéger ses concitoyens, fut la première à monter au créneau en garantissant une liberté d’action à ce que Greenspan qualifiait d'”innovateurs”. Ce refus de réguler ces activités de financement hypothécaires d’acteurs en majorité non issus du monde bancaire ayant été accompagné par un contexte de taux excessivement bas…

En résumé, c’est l’absence de régulation combinée à l’environnement de taux qui se trouvaient à l’époque à des niveaux records (de baisse) qui a encouragé la formation de la bulle spéculative sous l’impulsion du Maestro Greenspan. Après avoir reconnu son incompétence en matière de réglementation, il est donc temps qu’Alan Greenspan accepte sa responsabilité pour avoir longtemps maintenu les taux d’intérêts US à des niveaux totalement injustifiés.

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