En matière de réglementation, priorité à la qualité.

juin 17, 2009 0 Par Michel Santi

Si la crise actuelle a au moins une vertu, c’est bien celle d’avoir – enfin – convaincu certains de nos Etats réputés champions du libéralisme et de la dérégulation que les marchés ne sont pas infaillibles. L’Etat étant par ailleurs accessoirement utile dès lors que les richesses doivent être redistribuées et qu’une certaine moralité au moins de façade se doit d’être respectée, son intervention devient aujourd’hui vitale afin de rééquilibrer un marché composé d’humains et d’institutions mus en toute logique par l’appât du gain.

Dans le cadre de leur théorisation de la bonne vieille régulation orthodoxe ayant prévalu à ce jour, nos responsables économiques et financiers ont précisément négligé le “facteur humain” avec sot lot de gourmandise effrénée, de roublardise ou tout simplement de stupidité…C’est ainsi que la régulation en vigueur toujours aujourd’hui part du principe – assez irréaliste comme on l’a constaté tout au long de cette crise – que les divers intervenants peuvent faire abstraction de leurs appétits et de leurs objectifs matériels à court terme en collaborant tous ensemble afin de cibler le progrès à long terme.

Le principe sur lequel s’adosse cette théorie et défendu par la thèse – a priori séduisante – selon laquelle les synergies développées par un groupement d’individus réunissant efforts et énergies parviennent forcément à des résultats appréciables sous-tend en fait la philosophie de la régulation financière telle que nous la connaissons aujourd’hui. Ses théoriciens n’admettent effectivement pas la réalité qui est tout autre et qui consiste en le fait banal selon lequel coordination, coopération et réglementation – par définition résultantes d’une concertation généralisée – puissent être faillibles : En effet, et selon eux, comment une collaboration d’individus faisant chacun de son mieux serait-elle susceptible de tourner à l’échec?

La réponse est pourtant simple car n’est pas parce que chacun agit au mieux de ses capacités au sein d’un groupe que le résultat collectif en sera notoirement amélioré dès lors qu’un ingrédient fondamental à cette mixture vient à manquer, à savoir la faculté de coordonner avec succès et de manière optimale tous ces talents et toutes ces énergies.

Ainsi, et en dépit de la crise actuelle, les défenseurs de la théorie économique traditionnelle refusent toujours d’envisager l’échec de la coordination telle qu’elle est aujourd’hui en vigueur. Par exemple, leurs divers modèles ne tiennent pas compte d’un phénomène pourtant basique pouvant aboutir à cet échec, à savoir le manque de confiance réciproque des divers intervenants et contreparties et ce à tous les niveaux de la vie économique et financière. Un simple contrat passé entre un acheteur et un vendeur est ainsi susceptible de ne pas être honoré dès lors que l’acheteur doute que sa contrepartie puisse lui livrer sa marchandise ou si le vendeur souhaite recevoir le règlement sans s’estimer contraint à livrer toute la marchandise…Le risque que l’une des deux parties n’honore pas ses engagements étant constamment inhérent à tout contrat passé, l’indispensable coordination entre elles ne se concrétisera donc pas si la confiance vient à manquer.

C’est donc à ce stade que les pouvoirs publics remplissent leur fonction d’arbitre en forçant la partie défaillante à remplir ses obligations : L’intervention – en fait le plus souvent la seule présence de l’Etat – permet la coordination des parties qui ne ressentent plus dès lors la nécessité impérieuse de se faire confiance avant d’entamer leur relation.
Cette confiance reste au demeurant l’élément central de la donne économique car, en lieu et place de la confiance entre contreparties, un glissement s’opère dans la mesure o๠il devient dès lors nécessaire de faire confiance en les capacités de l’Etat à imposer l’exécution des termes du contrat. En conséquence, l’Etat se résout dans cet exemple à intervenir – ou à menacer d’intervenir – dans un contexte de marché libre.

L’alternative serait certes de laisser le marché parvenir par ses propres moyens à un stade d’équilibre en tablant sur les décisions supposées rationnelles de ses intervenants et en spéculant sur la fixation « naturelle » de la seule variable digne et capable – selon les tenants de la doctrine orthodoxe – de motiver la coordination des contreparties, c’est-à -dire le prix. Alternative fallacieuse découlant du théorème fort discutable qui stipule que le prix est déterminé selon des critères infaillibles…La réglementation s’imposant également du reste lorsqu’une contrepartie professionnelle doit traiter avec une contrepartie moins qualifiée afin de protéger cette dernière même si la première est dénuée d’intentions malignes.

Pour autant, les risques d’une mauvaise régulation sont très élevés et ce d’autant que nombre d’intervenants passent “entre les gouttes ” en se targuant de respecter littéralement la loi et la réglementation, procurant ainsi un faux sentiment de sécurité à leurs contreparties. Au demeurant, le système (toujours) en place n’a-t-il pas ainsi accordé aux agences de rating (notation) un rôle prépondérant en leur conférant une influence carrément systémique? Les erreurs et négligences commises par ces instituts dans leur détermination des ratios capitalistiques d’une Banque par rapport à ses engagements n’ont-elles pas ouvert la voie à des conséquences systémiques? Une idée reçue tenace veut ainsi que la crise actuelle résulte d’un manque de régulation alors que – nuance – elle provient d’une mauvaise régulation!

Chers lecteurs,

Voilà plus de 15 ans que je tiens ce blog avec assiduité et passion.
Vous avez apprécié au fil des années mes analyses et mes prises de position souvent avant-gardistes, parfois provocatrices, toujours sincères.
Nous formons une communauté qui a souvent eu raison trop tôt, qui peut néanmoins se targuer d'avoir souvent eu raison tout court.
Comme vous le savez, ce travail a - et continuera - de rester bénévole, accessible à toutes et à tous.
Pour celles et ceux qui souhaiteraient me faire un don, ponctuel ou récurrent, je mets néanmoins à disposition cette plateforme de paiement.
J'apprécierais énormément vos contributions pécuniaires et je tiens à remercier d'ores et déjà et de tout cœur toutes celles et tous ceux qui se décideront à franchir le pas de me faire une donation que j'aime à qualifier d'«intellectuelle».

Bien sincèrement,

Michel