Dévaluations Compétitives

avril 27, 2009 0 Par Michel Santi

Face à la crise des années 30, la quasi-totalité des nations réagirent en dévaluant leur monnaie nationale et ce dans une tentative désespérée d’amoindrir le choc de la dépression. Pour autant, ces dévaluations ne firent qu’aggraver les problèmes et accentuer la dépression des pays voisins tout en contraignant les pays ne souhaitant pas faire appel à ce type de manipulation à exercer à leur tour une pression baissière sur leur propre devise.

Ces “dévaluations compétitives ” ne bénéficièrent en définitive à personne pour la raison fort simple que tous les pays ne peuvent dévaluer en même temps leur monnaie vis-à -vis de toutes les autres…Ce protectionnisme financier – véritable jeu à somme nulle – ne fit qu’exacerber les incertitudes économiques et les tensions politiques tout en boulversant les échanges commerciaux internationaux.

Ce scénario de manipulations des monnaies se répèterait-il de nos jours? La Banque d’Angleterre ayant délibérément laissé sa monnaie s’effondrer de plus de 30% en six mois vis-à -vis de l’Euro et du Dollar, la Banque Nationale Suisse intervenant régulièrement sur les marchés afin d’affaiblir le Franc, le Japon et la Chine seront-ils les prochains? Notre monde actuel se sabordera-t-il en rejouant le drame des années 30, drame dont aucun acteur ne fut au final gagnant, les dévaluations successives et globales n’améliorant la compétitivité d’aucun pays?

Ces manipulations de monnaies se transforment généralement en “auto goal “, la dépression sévissant dans un pays ne pouvant être exportée dans un autre, nul n’étant plus en mesure d’acheter des marchandises en quantités suffisantes dans un contexte de désordres et de volatilité monétaires provoqué par un manque de concertation…les nations les plus fragilisées ayant une inclination naturelle à déprécier leur devise.

Néanmoins, ces manipulations de monnaies survenues dans les années 30 eurent en définitive des effets équivalents à des baisses de taux d’intérêts. Ce stimulus monétaire appliqué à l’échelle mondiale étant le prélude à une reprise économique durable, les pays l’ayant appliqué en premier furent les premiers à surmonter la crise. Les taux d’intérêts étant en partie responsables du niveau d’une devise, ces nations décidées à laisser filer leur monnaie nationale furent d’autant plus favorisées qu’elles n’eurent aucun scrupule à réduire radicalement leur propre politique monétaire, bien plus préoccupées de combattre la crise que du niveau de leur propre monnaie…

Ainsi, la baisse récente de la Livre Sterling, si elle reflète l’acuité de la crise économique en Grande Bretagne, est également la conséquence directe des baisses quantitatives de taux d’intérêts que la Banque d’Angleterre a été une des toutes premières Banques Centrales au monde à initier. Pas étonnant que les taux Britanniques aient connu une baisse rapide dans un contexte o๠la Banque d’Angleterre achetait avec gourmandise ses propres Bons du Trésor et alors que la Fed et surtout la BCE étaient à la traà®ne.

Les baisses quantitatives étant très précisément le seul remède susceptible d’insuffler un semblant de vie à une économie moribonde, la Banque Nationale Suisse a donc récemment emboà®té le pas à sa consoeur Britannique, le corollaire étant un affaiblissement de leurs devises respectives, préalable indispensable à la reprise.

Pour autant, d’autres Banques Centrales comme la BCE, constatant l’appréciation subséquente de leur propre monnaie et soucieuses de la menace déflationniste, s’engageront-elles enfin à leur tour sur la voie de baisses quantitatives vitales pour administrer à notre monde la dose de stimulus dont il a désespérément besoin? Il serait certes préférable et nettement plus sain pour les équilibres commerciaux et pour les relations (géo) politiques que les grandes Banques Centrales de ce monde coordonnent leurs mouvements de politique monétaire car une telle concertation éviterait des fluctuations erratiques des Devises.

Le niveau des Devises et le marché des Changes ayant un impact direct sur la politique monétaire, il y a ainsi fort à craindre que ce voeu de coopération internationale ne reste lettre morte et ce d’autant que l’affaiblissement compétitif et bienvenu d’une monnaie peut être entrepris en dépit de taux d’intérêts proche du zéro absolu.

Ces dévaluations supposées améliorer la compétitivité Britannique et Suisse et qui risquent de donner des idées à d’autres nations soucieuses de relance par l’exportation risquent certes de ne pas avoir d’effets substantiels au vu des volumes des échanges internationaux en chute libre. Elles auront néanmoins pour conséquence hautement bénéfique de relancer les industries nationales du fait d’importations de facto plus onéreuses : la relance par la consommation domestique.

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