Europe : encore un rendez-vous manqué?
La débâcle de l’Euro est régulièrement annoncée par les Euro sceptiques. Pourtant, la devise Européenne survit depuis dix ans et dispute aujourd’hui au billet vert la position enviée de première monnaie de réserves mondiales même s’il n’en demeure pas moins que l’Euro affronte avec la crise actuelle son moment de vérité et son ultime examen de passage.
Préalablement à l’adoption de l’Euro, une nation Européenne pouvait gagner en compétitivité par le biais d’une dévaluation de sa monnaie nationale, dévaluation qui dopait dès lors provisoirement ses exportations tout en donnant au pays en question l’illusion de se mesurer à l’Allemagne. Des pays comme l’Italie, l’Espagne ou la Grèce aimeraient aujourd’hui user de cette arme de la dévaluation afin de tenter de contre balancer les niveaux de productivité Allemands tout en redonnant de l’oxygène à leurs économies respectives.
Certains responsables Italiens et Espagnols ne se privent du reste pas à stigmatiser la monnaie unique considérant – pour les Italiens – que le taux de change réel devrait se situer quelque 30% sous son niveau actuel et affirmant – pour les Espagnols – que la récession sévira pendant dix ans à cause de l’Euro. Il est vrai que l’Espagne, qui traverse une crise majeure avec une production industrielle en dégringolade de près de 30% et un taux de chômage qui devrait atteindre 20% dans ces prochains 18 mois pour toucher 4’500’000 travailleurs, applaudirait à une dévaluation de 30% de sa monnaie ou à des mesures d’urgence permettant de stabiliser la descente aux enfers de son marché immobilier.
La Banque Centrale Européenne a tout récemment réduit ses taux d’intérêts à un niveau record depuis le lancement de l’Euro, soit à 1.5%, dans une ambiance o๠les dirigeants Allemands se refusent à tout assouplissement rapide de la politique monétaire Européenne. Pour autant, ces autorités Allemandes – emmenées par l’intransigeante Bundesbank – auraient-ils fait preuve de la même inflexibilité si le Deutsche Mark était toujours en vigueur? Le doute est effectivement autorisé et ce dans un contexte o๠même la Banque Nationale Suisse – également réputée pour sa raideur doctrinale – s’est convertie aux baisses quantitatives, c’est-à -dire à faire fonctionner la planche à billets.
Toujours est-il qu’un certain nombre de pays Européens doivent impérativement ramener – et maintenir durablement – leur taux d’inflation en-dessous du niveau moyen de l’inflation Européenne s’ils souhaitent gagner en compétitivité. Cette tâche étant déjà ardue en période normale devient quasiment mission impossible dès lors que, comme aujourd’hui, les pressions inflationnistes sont négligeables, la déflation étant alors au rendez-vous. Et l’argument maintes fois brandi selon lequel l’Euro a été un rempart évitant la catastrophe à certaines nations fragilisées tout en établissant une sorte de zone de stabilité au sein des pays de l’Union n’est aujourd’hui plus admis.
Qui prétend encore qu’il suffit pour guérir de jeter le thermomètre? L’abandon des monnaies nationales n’a fait en réalité que déplacer le problème tout en l’aggravant, le risque Devise étant tout bonnement remplacé par le risque crédit, autrement dit en le spectre du défaut de paiement de certains pays de l’Union.
Le constat est aujourd’hui sans appel car l’Union ne pourra être maintenue que si l’Allemagne consent à en payer le prix : soit par un transfert de richesses depuis l’Allemagne en faveur de certaines nations nécessiteuses, soit par une dévaluation substantielle de l’Euro qui exacerbera immanquablement les pressions inflationnistes en Allemagne.
L’Europe traverse une crise aigà¼e et les dirigeants Bruxellois doivent comprendre qu’un plan de sauvetage isolé ne fera pas l’affaire et que la sempiternelle rengaine du ” plus d’Europe ” n’est plus audible parmi les Européens. La résolution de la crise économique et financière ne passera certainement pas par plus d’intégration Européenne. Les vicissitudes économiques et financières de l’Union déboucheront probablement sur une période de turbulence politique et démocratique à moins que l’élite Bruxelloise ne se résigne à lâcher un peu de lest en accordant un peu plus de pouvoir à chaque Etat membre.
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Michel