Entendez-vous Marx rire?
L’exemple d’un pays comme le Japon ayant subi un ralentissement de sa production industrielle de près de 30% ces trois derniers mois est tout à fait explicite, ce rythme étant le plus dramatique depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale. Les faillites Japonaises quant à elles dépassent les 1’000 cas mensuels et montrent une sinistre progression de 21% sur Février 2009 par rapport à Janvier 2009 sachant qu’elles ont pratiquement triplé en une année. Pire encore : ce pays presque entièrement dépendant de ses ventes à l’étranger du fait d’une consommation intérieure dont tout le monde sait qu’elle est anémique – est très sévèrement affecté par une chute phénoménale de près de 50% en une année du volume de ses exportations. Ayant certes régulièrement subi multiples ralentissements de son activité économique et industrielle ces vingt dernières années et ayant régulièrement dà» se battre contre la récession, le Japon connaà®t néanmoins aujourd’hui une dépression en bonne et due forme qui se traduit par une contraction de son économie pour ce premier trimestre 2009 à un rythme annualisé de 15%. Ne nous acharnons pas sur le Japon car il n’est pas seul à connaà®tre les affres de la crise : La Grande Bretagne, dont le P.I.B. s’est contracté de 1.5% au dernier trimestre 2008, ne subira-t-elle pas une contraction de son économie de l’ordre de 3% en 2009? Et ne parlons pas des Etats-Unis maints fois évoqués à travers ces diverses analyses…
De fait, l’ensemble des domaines d’activité de la quasi totalité des nations du monde accuse le coup du ralentissement le plus sévère depuis des décennies : pire qu’après les chocs pétroliers des années 70, pire que la chute d’activité du début des années 80, pire que lors de l’explosion de la crise d’Amérique Latine…sachant que l’inflation ne saurait aujourd’hui être prise comme prétexte à cette perte de production et de régime. Effectivement, l’ouragan de la crise du crédit a laissé après son passage effondrement de la production et tassement des prix. La conjugaison de ces deux phénomènes portant l’appellation fort significative de dépression.
Karl Marx – comme avant lui Adam Smith – avait longuement analysé la “société bourgeoise” ayant succédé au féodalisme. Marx était du reste convaincu que le communisme remplacerait cette société bourgeoise amplement stigmatisée car, selon lui, le capitalisme était intrinsèquement instable. L’effondrement du mur de Berlin ayant consacré la fin de l’utopie communiste Marxiste-Léniniste, la décision de la Chine de jouer le jeu de l’économie de marché a achevé de ringardiser les idées de l’ancêtre Karl et du grand-père Mao. Marx aurait pourtant crié victoire s’il était encore parmi nous car nous sommes témoins – et parfois acteurs – d’un des effondrements économiques les plus spectaculaires de l’Histoire de l’Humanité.
Sans prédire une période de révolutions à venir, il est néanmoins aisé de prévoir – à la fois de manière rationnelle et intuitive – un environnement économique futur radicalement et substantiellement ( dans le sens étymologique du terme ) différent des vingt-cinq dernières années. L’ampleur même de la débâcle présente affectera profondément et durablement nos existences pour les dix – voire les vingt – prochaines années : Finie la période abondante et faste o๠revenus et crédits semblaient progresser à l’infini, finies les périodes de récessions molles qui semblaient toujours devoir précéder une nouvelle frénésie d’activité, finie la théorie de l’efficience des marchés supposés corriger à terme tous les excès du capitalisme.
L’Etat effectue son grand retour : Entendez-vous Marx s’esclaffer?
Les taux d’intérêts étant proches du zéro, prix et salaires sont également sur une pente descendante avec, à la clé, une déflation qui, si elle devait réellement sévir, aurait pour effet premier de provoquer une course aux liquidités et une remontée toute naturelle des taux d’intérêts induisant une distorsion perverse au sein du marchés des capitaux. Quel intérêt y a-t-il en effet à risquer d’acheter des actions en bourse ou à prêter de l’argent à des entreprises qui émettent des obligations alors qu’il est possible de prêter en toute sécurité à un Etat? Avez-vous observé le glissement insensible, graduel mais incontestable de nos sociétés dorénavant résignées à ce que la solution à nos maux provienne, non plus d’un système bancaire et financier déficient, mais de nos Gouvernements?
Cet autrefois prestigieux et autonome système financier est aujourd’hui court-circuité par des Banques Centrales qui se jettent à corps perdu dans l’arène des marchés pour acquérir tous types d’actifs dans le but de ressusciter le marché des crédits. La conséquence de cette activisme exacerbé de ces Banques Centrales coule de source : C’est de plus en plus les Etats qui décideront des entreprises dignes d’être secourues et de celles qui devront être rayées du Registre du Commerce. De même, c’est nos Gouvernements – au gré de leurs multiples stimuli fiscaux – qui décideront désormais de l’utilisation de notre épargne. Cet interventionnisme de l’Etat est pourtant vital à la fois pour sortir de cette crise et pour sauver nos classes moyennes. Pour autant, les partisans d’un retour à cette normalité o๠les forces du marché dictaient leur loi ne doivent pas espérer de sitôt un retour au statut quo ante : ce retour en force de l’Etat est un phénomène durable et les pouvoirs publics ne se retireront pas après le passage de la crise car cette crise aura précisément été surmontée grâce à eux.
C’est aussi pour cette raison que – même lorsque la crise appartiendra au passé – notre niveau de vie déclinera inéluctablement à l’avenir : l’omniprésence de l’Etat découragera l’esprit d’initiative et les comportements à risques du passé ayant néanmoins grandement contribué à l’enrichissement de la société.