Comment sauver les Banques ?

mars 7, 2009 0 Par Michel Santi

La logique capitaliste voudrait qu’une entreprise – en l’occurrence une banque – doive surmonter seule les vicissitudes liées à ses choix stratégiques et ce sans bénéficier d’une quelconque assistance. Après tout, conseil d’administration, actionnaires, créanciers et divers autres intervenants étaient parfaitement conscients de leurs engagements. C’est du reste dans l’objectif de rémunérer à leur juste valeur les risques contractés par ces établissements que furent créés les prêts garantis par des actifs, les taux d’intérêts proportionnels à la solvabilité du débiteur, le degré d’implication de certaines banques et de certains collaborateurs de ces banques dans les marchés spéculatifs, etc…Pour autant, la déconfiture de Lehman Brothers ayant provoqué à l’automne dernier l’arrêt cardiaque financier que l’on sait permet d’affirmer aujourd’hui qu’aucun pays du G-20 ne livrera plus ne serait-ce qu’un seul de ses établissements aux affres du marché.

C’est ainsi que le Gouvernement US suivi en cela par l’Europe ont pour l’instant opté pour la fameuse voie moyenne consistant à parachuter de l’argent propre et sain sur des banques virtuellement enterrées sous le poids d’amoncellements de déchets qualifiés de manière ambiguà« d'”actifs toxiques”. Solution boiteuse et bâtarde qui refile le témoin des pertes bancaires à l’ensemble des contribuables tout en dédouanant de leurs responsabilités – au moins partiellement – ces mêmes banques coupables d’infecter la société de leur peste toxique. Dès lors, les effets de ces injections de vaccin sont à l’image de deux produits chimiques qui se neutralisent mutuellement. Solution de facilité à portée de Gouvernements hésitants et familiers de la demi-mesure qui, à l’instar de cette masse de pauvres malades qui font l’effort d’aller à Lourdes dans l’espoir que quelques uns d’entre eux seront guéris, imaginent que sauver quelques établissements bancaires sauvera comme par miracle l’ensemble du système. Le contribuable-citoyen doit refuser net cette option qui se borne à arroser de deniers publics des établissements moribonds dont on sait déjà qu’ils ne seront pas plus généreux envers des entreprises en mal de crédits. Gaspiller une eau précieuse pour irriguer un désert qui ne fera que l’absorber stérilement ou l’exemple affligeant du Japon de la “décennie perdue”.

Pas convaincus? Considérons l’usage fait par les banques Américaines du plan de sauvetage mis en place en Novembre dernier qui les autorise à émettre des obligations entièrement garanties par l’Etat au prix modique de 0.75% : Championne toutes catégories Bank of America a ainsi accédé 11 fois à ce programme pour un montant total de 35.5 milliards de dollars, JP Morgan ayant pour sa part pompé 30 milliards, GE Capital 27 milliards, Citigroup 24 milliards, Morgan Stanley 19 milliards et Wells Fargo 6 milliards. Ces chiffres sont proportionnels à leurs pertes respectives, les banques ayant le plus fait usage de ces facilités étant évidemment les plus sinistrées. Toujours est-il que ce programme – ayant été sollicité 97 fois depuis son lancement et pour un total de 190 milliards de dollars! – présente l’inconvénient majeur de ne pas séparer le bon de l’ivraie du fait qu’il n’établit aucune distinction – en les traitant de manière équivalente au niveau des coà»ts d’accès aux liquidités entre les établissements solvables et ceux qui ne le sont pas. Ces tarifs nettement inférieurs à ceux pratiqués par le marché créent donc une distorsion dans un cadre général o๠les banques sont maintenues artificiellement en vie dans l’espoir chimérique que la valorisation des actifs toxiques figurant toujours à leur bilan finira bien par se rétablir. L’accès aux fonds publics n’étant ainsi en rien susceptible de ressusciter des banques en état de mort cérébrale, tout au plus de les maintenir dans le coma.

Nos Gouvernements doivent franchir le Rubicon en nationalisant les banques, c’est-à -dire en forçant ce transfert de propriété des établissements financiers depuis le secteur privé vers le secteur public. Quel intérêt y a-t-il à dilapider l’argent public sur des établissements que les pouvoirs publics ne contrôlent pas et qui restent en état de léthargie à cause de créances pourries que l’Etat n’a pas le courage de passer au Kà¤rcher? Seul l’Etat dispose de la surface financière vitale à la réorganisation d’établissements financiers souvent tentaculaires, seul l’Etat bénéficie de cette crédibilité condition sine qua non pour le poser comme contrepartie des transactions en cours. Il ne s’agit certes pas de foncer dans les nationalisations sans préparation et doté du seul amateurisme dont ont fait preuve un certain nombre d’Etat dans l’élaboration de leur plans de sauvetage. Car après ces nationalisations, plus aucun retour en arrière ne sera autorisé ou toléré.

Chers lecteurs,

Voilà plus de 15 ans que je tiens ce blog avec assiduité et passion.
Vous avez apprécié au fil des années mes analyses et mes prises de position souvent avant-gardistes, parfois provocatrices, toujours sincères.
Nous formons une communauté qui a souvent eu raison trop tôt, qui peut néanmoins se targuer d'avoir souvent eu raison tout court.
Comme vous le savez, ce travail a - et continuera - de rester bénévole, accessible à toutes et à tous.
Pour celles et ceux qui souhaiteraient me faire un don, ponctuel ou récurrent, je mets néanmoins à disposition cette plateforme de paiement.
J'apprécierais énormément vos contributions pécuniaires et je tiens à remercier d'ores et déjà et de tout cœur toutes celles et tous ceux qui se décideront à franchir le pas de me faire une donation que j'aime à qualifier d'«intellectuelle».

Bien sincèrement,

Michel