Moscou referme le rideau de fer monétaire

Officiellement, c’est pour la stabilité financière. Il ne s’agit en fait que d’obéissance et de privation de libertés. Les relents du passé soviétique s’avèrent pestilentiels.
Vers l’interdiction totale des devises étrangères
Une batterie de mesures « proposées » par le ministre russe des Finances interdira toute transaction libellée en monnaie étrangère aux résidents du pays. Dès à présent, le président dispose de toute autorité pour décréter la réglementation monétaire et pour imposer des restrictions pour l’ouverture, et même pour la conservation, d’un compte bancaire. Le Kremlin sera habilité à rendre illégale toute opération de change non autorisée en dollar ou en euro, qui, de toute façon, auront besoin d’un permis spécial de la présidence pour être transférés hors du pays.
Une stratégie d’isolement méthodique
Voilà donc une gradation supplémentaire dans l’isolation progressive – tant économique que politique – de ses citoyens, méthodiquement organisée par Poutine qui, progressivement, a établi un contrôle strict du flux des capitaux, saisi puis nationalisé des actifs privés, estampillé d’agent étranger toute organisation ne lui étant pas soumise, bloqué l’accès à des messageries populaires. Poutine ouvre un nouveau front, ne faisant pas cette fois appel à des armes, mais à des instruments qui achèveront de suffoquer sa population. La prison économique – mais aussi physique – attend désormais les Russes conservant quelques devises sous leur matelas, qui ont subi l’une après l’autre la fermeture de chaque porte et de chaque fenêtre qu’ils pouvaient avoir sur l’étranger.
Le spectre du modèle stalinien
Que du triste déjà-vu, en vérité, et du désuet, car l’URSS de Staline – monopolisant à l’époque tout deutsche mark, tout franc et tout dollar – considérait comme hautement subversive toute transaction de change. « Ennemis du peuple », ceux qui avaient le malheur d’être démasqués avec des monnaies étrangères se retrouvaient déportés au Goulag, parfois exécutés. Ce monopole d’État contraignant les citoyens à n’avoir que le rouble pour horizon était exercé en Union soviétique avec une totale paranoïa. Une infime élite pouvait décider qui aurait le droit de toucher au dollar, qui pourrait voyager, qui devrait disparaître dans les camps. Le rouble était une preuve de loyauté, et les devises le signe infaillible de trahison dans ce contexte où l’argent y était aussi important que l’idéologie, car les espèces étrangères étaient synonymes de contagion.
L’économie sous surveillance
Ce faisant, l’URSS renforçait son isolation économique, brisait l’élan de ses échanges commerciaux, sapait son innovation, accélérait sa stagnation, encourageait le marché noir, ruinait sa monnaie. La surveillance des citoyens aboutit à la catastrophe économique, car les entreprises ne pouvaient rien planifier ni prévoir, et les ménages furent confrontés à une impitoyable inflation du fait de la raréfaction des importations. Ces dernières mesures poutiniennes ont sensiblement la même brutalité que celles de son prédécesseur, car le Kremlin a renoué avec l’ère où le contrôle économique était l’instrument privilégié pour s’assurer l’obéissance politique.
Le message final : loyauté avant tout
Le message adressé aux Russes est simple : votre épargne ne vous appartient plus. Celui adressé aux marchés l’est également : la loyauté prime la solvabilité.
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Très intéressant, merci !
Mais on se souvient également que le président américain Franklin Delano Roosevelt, via l’ordonnance présidentielle [executive order] 6102 du 5 avril 1933, rendit illégale la détention d’or par les particuliers à compter du 1er mai 1933. Les contrevenants s’exposaient dès lors à “une amende maximale de 10 000 $ et une peine d’emprisonnement de 10 ans au plus, ou les deux”. On se souvient aussi – en Occident – que pour enrayer au mieux la crise financière américaine, systémique, de 2008, déferlée en Europe, les épargnants grecques et chypriotes (crise des dettes souveraines; respectivement crise de l’euro) ont connu aussi une répression financière sans commune mesure en Occident. N’oublions non plus que les nouvelles directives européennes en matière de bail-in sont actées, et que la loi Sapin 2 en France, par exemple, est particulièrement coercitive. Tout comme le concept de surveillance de masse dans cette République semble devenu un leitmotiv – et très facilement vérifiable/identifiable – alors que le concept démocratique a déjà passablement pris du plomb dans l’aile – comme la protection des données des citoyens – sans pouvoir justifier être en guerre déclarée. Par ailleurs, la gangrène de la science comportementale qui se répend d’une manière inquiétante s’illustre sur les chemins de la propagande et de l’autoritarisme, autant de libertés déjà annihilées en “démocratie”. Et en temps de paix !
Parlons de l’objectif monétaire de l’Oligarchie américaine avec son nouvel Empereur à la tête de cette puissance hégémonique. Quel est-il: Dévaluer le dollar américain qui emprunte déjà la voie d’une monnaie de singe? Pousser le pays à une crise financière, économique et sociétale cataclysmique: une politique de la terre brûlée? Adosser ses réserves d’or à ses bonds du Trésor pour chercher à regagner de la confiance intra-muros ou différer les remboursements de créanciers extra-muros en convertissant les maturités de quelques titres de créances à un nouvel horizon de..100 ans? Voir adosser ses réserves d’or sur des actifs numériques comme les stablecoins ou autres cryptomonnaies? L’allié de la Russie, la Chine, n’a-t-elle pas déclenché une révolution financière en ayant adossé audacieusement son yuan à l’or pour défier la domination du dollar américain et promouvoir un ordre mondial coopératif et multilatéral? La Banque populaire de Chine (BPC) qui s’est imposée comme le premier acheteur mondial d’or, accumulant des réserves à un rythme effréné, par son ambitieux programme de “dépréciation” ne vise-t-elle pas – à sa manière – à instaurer une confiance inébranlable dans le yuan grâce à un actif tangible en collatéral, défiant ainsi le dollar américain? En parallèle à l’alliance BRICS + qui cherche également à s’affranchir d’une devise en passe à devenir une véritable monnaie de $inge. Loin de viser la domination, la stratégie chinoise semble prôner un système économique multipolaire, appelé à perturber les marchés, à faire relever les taux d’intérêt, à stimuler les matières premières et à concurrencer les cryptomonnaies et autres “stablecoins”.
À l’époque, je mettais en garde à ne pas sous-estimer l”‘Art de la guerre” de Sun Tzu.