
Ces géants technologiques qui bouleversent nos fondamentaux économiques
Jusqu’au milieu des années 1970, plein emploi et salaires élevés coïncidaient parfaitement avec les intérêts du grand capitalisme. Ils permettaient en effet d’augmenter exponentiellement la consommation et donc la production, au plus grand bénéfice des capitaines d’industrie. Ces salaires en constante progression avaient également une conséquence extrêmement favorable quoique indirecte, à savoir qu’ils motivaient la recherche technologique dont l’objectif consistait très clairement à se passer autant que possible d’un labeur humain de plus en plus onéreux. Jusqu’à ce que ces progressions salariales n’entament – dès le milieu des années 70 – très sérieusement les marges des patrons qui se tournèrent dès lors vers le néo libéralisme, dont le plus ardent porte-flambeau fut le Thatchérisme.
Il ne fut plus dès lors possible de créer de la croissance qu’en affaiblissant les syndicats, qu’en sabrant dans les aides sociales, qu’en induisant de plus en plus d’insécurité sur le marché du travail: autant de prix à payer qui autorisaient de restaurer les marges bénéficiaires des entreprises à la faveur d’une hausse de leur productivité. Cette stagnation séculaire que nous subissons aujourd’hui – que j’évoque et que je décris depuis quelques années – est donc directement issue de politiques économiques ayant volontairement comprimé les salaires et ayant ainsi – mécaniquement – eu un impact structurel désastreux sur la demande agrégée. En effet, pourquoi investir dans de la recherche de nouvelles technologies si les salaires humains sont bas ? Ce faisant, le néo libéralisme s’est sabordé car de bas salaires ne sont pas uniquement néfastes pour l’immense classe des ouvriers et des salariés. Mais également pour le grand capitalisme qui se voit contraint de tourner avec une productivité stagnante, des marges bénéficiaires déclinantes, des taux d’intérêt sur une pente ascendante et une rémunération de l’épargne en peau de chagrin… Jusque là, dans un environnement macro économique traditionnel, l’offre et la demande conditionnaient évidemment les prix car une croissance forte stimulait la consommation qui, à son tour, permettait d’augmenter les salaires et vice-versa.
Ce paradigme est à présent détrôné sous nos yeux, car il cède sous la pression de géants de la technologie comme Alphabet, Amazon ou Uber, qui occupent désormais une place prépondérante sur le marché de la consommation et de l’emploi, et dont le business model rompt avec les standards classiques de l’offre et de la demande. En effet, les prix baissent notoirement dès lors que l’un ou l’autre de ces mastodontes entre en scène. Le récent rachat par Amazon de Whole Foods ne démontre t il pas clairement la façon de procéder des entreprises d’aujourd’hui qui, grâce à leur technologie disruptive, parviennent à bouleverser les vieux clichés, à réduire les prix et -du coup- l’inflation ? Dans notre monde d’hier et selon la théorie classique, l’augmentation de la production est naturellement répercutée sur les prix qui sont condamnés à monter car il en coûte effectivement plus à l’entreprise d’accélérer sa production.
Le nouveau paradigme nous démontre juste l’inverse, à savoir que les géants d’aujourd’hui réalisent d’autant plus d’économies – et gonflent d’autant plus leurs profits – que leur production est élevée et ce, sans nullement avoir recours à une quelconque augmentation des prix de leurs services rendus ou de leurs produits finis. La baisse régulière et ininterrompue des prix depuis une quintaine d’années nous indique sans nul doute possible que cette relation de cause à effet entre prix, production et salaires est désormais caduque.
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Michel