
La Chine peut-elle encore être prise au sérieux?
Encore mieux que Mao, surpassant Lénine, Xi Jinping édifie avec méthode au fil des années un culte autour de sa propre personne. Prêchant souvent avec mysticisme, entouré d’inconditionnels de la doctrine marxiste, il bénéficie de l’aura du maître que la Chine n’eut de cesse de glorifier depuis la fin des années 1970. En qualifiant à de nombreuses reprises Marx de «plus important penseur de l’Humanité», Xi et le Parti Communiste chinois lancent en fait une mise garde à leurs détracteurs sommés de comprendre que la Chine et que ses valeurs ne seront jamais absorbées ni diluées dans un Occident qu’ils estiment en décadence. Tout le contraire en réalité, tant l’accès chinois au système et aux organisations internationaux est utilisé comme levier pour expliquer et pour démontrer à celles des nations lasses d’une certaine arrogance occidentale qu’une autre voie existe.
Comme Xi et le PC considèrent que leur modèle surpasse largement tout ce qui se pratique de par le monde, ils ambitionnent de faire adhérer «le genre humain» à une «communauté de destin» en reproduisant à l’infini – en tout cas sur Terre – leur propre système, et ce à l’aide d’un projet supérieur qui sauvera l’Humanité. Ce messianisme chinois, qui passe évidemment par la mise en place d’un autoritarisme Etatique au-dessus duquel trônera un tout-puissant Parti Communiste, n’a que mépris pour la démocratie car – selon Xi – une «gouvernance globale est impossible sans guider la manière dont pensent les gens», selon un document récemment publié par le Comité Central. Ce credo communiste exhorte à la prédation du marché libre et du capitalisme afin d’aboutir à une situation d’unification «organique» entre l’Etat et le marché et où les différentes cultures et ethnies sont priées de fusionner sous une houlette chinoise censée homogénéiser cet ensemble disparate. Dès lors, la haine des communistes chinois à l’encontre du mode de vie occidental largement influencé par le modèle américain peut se comprendre et ne leur laisse d’autre alternative que la «victoire totale», selon leur propre expression.
Les chinois devront pourtant revoir leur copie, à tout le moins remettre sérieusement en question leurs processus décisionnels, tant les mesures hasardeuses et autres expérimentations décrétées depuis 2020 risquent fort de rappeler à la mémoire de leurs ambitions démesurées la présence de la gravité sur le point de les ramener sur terre de manière brutale. Confinements éternels accompagnés depuis peu de brutalités policières, virus ayant fui d’un laboratoire avec des répercussions universelles désastreuses, marché immobilier national effondré sous le poids de leurs maladresses, chasse aux sorcières à l’encontre de leurs fleurons technologiques, P.I.B. négatif, Etat déficient : autant de chocs qu’il sera très compliqué d’expliquer – non à un monde extérieur qui considère désormais la Chine avec un étonnement amusé – mais à une opinion intérieure qui trépigne voire qui étouffe. En tout état de cause, le Parti Communiste chinois démontre – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur – que son omnipotence et que son infaillibilité n’étaient que mythes.
Chers lecteurs,
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Bien sincèrement,
Michel
Bonsoir Michel,
Tout d’abord, tu sais très bien que je demeure un keynésien convaincu, mais sans pour autant renier certains points de vue de Karl Marx, notamment figurant dans son ouvrage “Das Kapital”. Ceci étant précisé, tu écris:
[…passe évidemment par la mise en place d’un autoritarisme Etatique au-dessus duquel trônera un tout-puissant Parti Communiste, qui n’a que mépris pour la démocratie car – selon Xi – une «gouvernance globale est impossible sans guider la manière dont pensent les gens», selon un document récemment publié par le Comité Central…]
Ceci est intéressant puisque ça ouvre la porte sur un autre extrémisme que tu n’ignores point:
RAYMOND
12 janvier 2018 à 10 h 55 min
[(…) j’aurai pu reprendre certains travaux de Noam Chomsky mais j’ai choisi pour cet angle une partie du travail de recherche historique issu du fascicule « Les médias en suisse », paru aux éditions LEP, qui offre un point de départ intéressant pour la réflexion: « Dans son ouvrage Psychologie des foules (1895), Gustave Le Bon (1841-1931) – un des précurseurs des théories des médias – affirme que les individus, lorsqu’ils sont en groupe, raisonnent de manière plus simpliste et sont facilement influençables. Selon lui, un meneur habile peut aisément mettre une foule dans un état proche de l’hypnose. Le Bon ne traite pas directement des médias, mais ses idées ont influencé les théories sur la communication, la propagande et la publicité. Lorsque les médias de masse en sont encore à leurs débuts, Gabriel Tarde (1843-1904) rend les médias responsables de la manipulation que Le Bon attribue au meneur et affirme que l’«âge des foules» sera remplacé par l’«âge des publics», qu’il définit comme une «foule à distance». Les premières études sur les médias en tant que tels et sur leur influence apparaissent dans les années 1920 et appréhendent généralement le phénomène de la propagande. Dans son ouvrage Public Opinion, paru en 1922, Walter Lippmann (1889-1974) étudie la manipulation par les médias et définit le concept de «fabrique du consentement». Il remarque que notre expérience du «monde réel» n’est que très limitée et que notre vision de la réalité se fonde avant tout sur ce que les médias nous en montrent. Toutefois, le prétendu pouvoir d’endoctrinement des médias n’est pas toujours perçu négativement. Harold Lasswell (1902-1978) défend ainsi que la propagande est utile aux démocraties, car elle permet aux citoyens d’adhérer à ce que les «spécialistes jugent bon pour eux ».
En ce qui concerne à présent la question « des spécialistes », comment ne pas être projeté à nouveau vers Walter Lippmann et à son colloque organisé à Paris du 26 au 30 août 1938 ? Un cercle d’influence auquel participent 26 économistes, entre autres, Hayek, Mises, Rueff, Rüstow, Röpke, et des intellectuels « libéraux ». S’il y fut discuté de la capacité du libéralisme à faire face aux problèmes de l’époque, c’est aussi une des premières fois où les participants s’interrogèrent pour savoir s’il convenait de conserver le mot « libéralisme » ou bien d’adopter celui de néo-libéralisme. Pour l’économiste français François Bilgert, le colloque Walter Lippmann « peut être considéré comme l’acte de naissance officiel du nouveau libéralisme ». Dans la continuité à démolir le modèle keynésien dès le début des années 1930 – et suite au colloque Lippmann – ce n’est qu’à la fin de la seconde guerre mondiale que la société du Mont-Pélerin sera fondée par Hayek et Mises (1947). La première réunion, à laquelle participent trente-six personnalités « libérales » a lieu à l’Hôtel du Parc au Mont-Pèlerin près de Vevey. Ce réservoir d’idées et de promotion du néo-libéralisme fut financé par des banquiers et patrons d’industrie helvétiques (ce même genre de groupes d’influences qui n’a d’ailleurs jamais cessé sa générosité, notamment, auprès des partis politiques suisses).
Lors de cette réunion d’avril 1947, trois importantes publications des Etats-Unis (Fortune , Newsweek et The Reader’s Digest) y ont envoyé des délégués. Le Reader’s Digest venait d’ailleurs de publier une version résumée d’une œuvre clé de Hayek, « La route de la servitude ». On y trouve notamment le rayonnant passage: « C’est la soumission de l’homme aux forces impersonnelles du marché qui, dans le passé, a rendu possible le développement d’une civilisation qui sans cela n’aurait pu se développer ; c’est par la soumission que nous participons quotidiennement à construire quelque chose de plus grand que ce que nous tous pouvons comprendre pleinement ». Dès lors, en appréhendant la logique de Walter Lippman, je ne peux m’empêcher à percevoir dans le pragmatisme helvétique – érigé comme un temple et dont l’une de ses fondations n’est autre que le quatrième pouvoir – la « fabrication d’un consentement » face à la construction que sera l’ordre nouveau, c’est à dire le néo-libéralisme. Harold Lasswell n’a-t-il jamais défendu « que la propagande est utile aux démocraties car elle permet aux citoyens d’adhérer à ce que les spécialistes jugent bon pour eux » ? Les soi-disant spécialistes de la pensée dominante n’ont-ils jamais porté en eux l’incandescence qui affecte de plus en plus nos démocraties, au point d’en avoir corrompu le capitalisme et saccagé l’intérêt général ? Les tenants du « Public choice » – à raison – postulent que l’État, à l’instar de Dédale, s’est enfermé dans les méandres de sa propre construction (…)]
Par ailleurs, tu en conviendras, nous ne pouvons plus réfuter qu’avec notre monde d’après – et même depuis la publication en 1962 de l’ouvrage de Milton Friedman (Capitalism and Freedom) chantre du néolibéralisme – nos libertés ont franchement reculées en Occident, de même que certains de nos droits les plus fondamentaux, et par analogie nos démocraties depuis les années 1971. Il va s’en dire qu’en Occident nos démocraties modernes ont tout à perdre avec ce que j’estime être “une guerre économique globalisée” menée par les deux plus grandes puissances économiques mondiales (avec leurs partenaires respectifs) – sans compter que l’Intérêt général et le bien commun ne seront peut-être plus que des reliques après cette transmutation vers un néo-Capitalisme.
Enfin, n’est-elle pas anecdotique l’interview de Klaus Schwab – avec Tian Wei de CGTN – en marge du sommet des PDG de l’APEC à Bangkok où notamment il fait état que “La Chine est un modèle pour de nombreuses nations”? Hallucinant!
Bien à toi
Comment le FMI perçoit la Chine dans quelques années face aux États-Unis?
https://assets.zerohedge.com/s3fs-public/styles/inline_image_mobile/public/inline-images/ChinaUSChart-600×470.png?itok=HqjZBSxd
Comment on fait pour avoir un “PIB négatif” ? 😉
Ca s’appelle une récession