Les guerres de ma jeunesse

Les guerres de ma jeunesse

août 5, 2025 0 Par Michel Santi

photo prise en 1976 alors que j’étais membre des “Gardiens des Cèdres” au Liban 

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Témoignage d’un lecteur reçu hier :

M. Michel Santi

Je tiens à vous féliciter chaleureusement pour votre livre que j’ai récemment eu le bonheur de lire. J’ai été profondément touché par la richesse de vos souvenirs, notamment ceux liés au Liban, que vous décrivez avec tant de finesse et de sensibilité.

Les rencontres avec les personnalités importantes que vous évoquez sont passionnantes et racontées avec une humanité rare. Votre écriture m’a transporté et la lecture de votre ouvrage a été pour moi un véritable moment de bonheur.

Merci de partager votre parcours et votre mémoire avec tant de générosité.
Avec toute mon admiration et mes respects

 

Commander «Une jeunesse levantine» dédicacée : https://michelsanti.fr/

 

EXTRAIT :

Tout au long de cette première partie de ma vie, je n’aurais fait que laisser tomber les gens.

Ma mère d’abord, qui n’a jamais compté – la bienheureuse – toutes les fois que je l’ai abandonnée. Mon père, pour rentrer intempestivement au Liban, abandonnant au passage mon école. Gilles et le jeune soldat, tous deux de manière assez dégueulasse. Le Liban, que j’ai très bien fait de fuir, à plusieurs reprises. J’ai également, et du jour au lendemain, disparu aux yeux de ces jeunes miliciens des Gardiens, devenus un temps mes complices, que j’écoutais, que je soignais, à qui je remontais parfois le moral. Sans la moindre explication de ma part, alors que je me cloîtrais à quelques mètres d’eux dans ma chambre et que je les remplaçais par des livres. Beaucoup d’entre eux se sont certainement inquiétés, et la plupart tombés. J’ai déserté Paris et mes études de médecine, pourtant – toutes deux pour moi – sources de plénitude. J’ai accepté, en quelques petites minutes, de me laisser expulser de Jérusalem alors que j’aurai pu – et peut-être dû – résister à Peres avec qui j’aurais probablement trouvé un arrangement. Qui sait : pourquoi aurait-il refusé de nous laisser, le jeune soldat et moi, quitter cette amère ville de Jérusalem pour nous isoler quelque part autour du lac de Tibériade, ou vers Jéricho ?

Chacune de ces décisions, chacun de mes abandons volontaires, d’une personne ou d’un lieu, ont fait prendre à ma vie un tournant auquel je ne m’attendais pas. Que serais-je devenu si j’étais resté docilement en Arabie avec mon père ? Je n’aurais probablement aucune histoire à conter aujourd’hui. Que serais-je devenu sans cette rencontre avec Sandy – entièrement redevable à mon retour au Liban en 1976 – car c’est à lui que je dois ce qui sera, à coup sûr, un des évènements fondateurs de ma vie, à savoir mes rencontres avec l’Imam Khomeiny ? En fait, ce garçon de 12 ans qui a, sans réfléchir, relevé le défi de se rendre à La Mecque avec un illustre inconnu était déjà programmé pour une existence désordonnée, mais invraisemblable. Gilles aurait-il attrapé le SIDA si j’avais refusé ce voyage au Liban auquel il tenait tant ? Ne serait-il pas toujours de ce monde si nous étions rentrés ensemble à Paris depuis Chypre, où il m’attendait comme un bon soldat ? Le jeune soldat aurait-il déserté sans sa rencontre avec moi, et sans la nuit magique passée ensemble dans cette chambre à coucher de l’appartement de ma mère ? N’aurais-je pas dû faire intervenir mon père, ou Sandy, ou quelqu’un… pour tenter de le sauver d’une arrestation – et donc d’une mort – certaine, au lieu de décamper et de le planter là, alors qu’il était effondré ? Au minimum, n’aurais-je pas dû rentrer sur Paris, tenter de renouer avec Gilles – qui se serait facilement laissé récupérer – au lieu de m’envoler comme un poltron vers la Suisse ? Que c’est paradoxal, car la seule personne à laquelle je sois revenu plusieurs fois, de mon propre gré, aura été mon père. Lui qui m’a traité si légèrement, qui a piétiné ma sensibilité, qui m’a obligé à mentir, qui a fait passer sa vie et ses plaisirs bien avant ceux de son plus jeune fils.

J’ai infléchi ma trajectoire, modifié ma destinée à de nombreuses reprises, et celles des autres – que j’ai souvent bouleversées. Au départ, je n’espérais rien. Au départ, je ne savais rien. J’imaginais tout naturellement que ma mère nous rejoindrait, mon père et moi, en Arabie saoudite, que nous retournerions au Liban en vacances, que j’y terminerais mes études une fois la sécurité rétablie. Dans le pire des cas, j’y rentrerais pour l’Université. À la fin de ces sept ans et demi, une nouvelle vie commence pour moi. «Les conclusions des grands romans sont de nouveaux commencements», nous confie René Girard. Conscient d’être coulé dans des alliages différents, incompatibles, hétéroclites. J’ai 19 ans. Dans une ville et dans un pays que je ne connais pas, je vais continuer. Le coeur léger. Comme s’il ne s’était rien passé.

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