
L’immobilier, ce parasite de la croissance
Ce n’est pas une coïncidence si, à l’orée des années 1990, les prix de l’immobilier jusque-là relativement stables subirent une volatilité malsaine. Ce phénomène fut la conséquence directe de l’intégration du système bancaire et financier, de sa dérégulation et de ses innovations comme par exemple la titrisation. Dès lors, les flux de capitaux transfrontaliers et transcontinentaux s’intensifièrent, induisant ainsi une volatilité nouvelle de l’immobilier. En réalité, c’est la nature même du marché de la pierre qui subit dès lors un changement structurel dans son interaction avec l’ensemble de l’activité économique. C’est à partir de ce moment que l’augmentation des chocs immobiliers fut proportionnelle à la sophistication du système financier.
Ce n’est donc pas un hasard si nos épisodes modernes de booms spéculatifs sont très souvent précédés (ou à tout le moins accompagnés) de périodes d’euphories immobilières. Pas un hasard non plus si, à l’inverse, les épisodes de dépressions économiques sont très souvent déclenchés par des implosions de bulles immobilières. De fait, la relation de cause à effets est désormais établie entre prix immobiliers et consommation, laquelle progresse avec les tarifs de l’immobilier, et vice-versa.
L’effet multiplicateur de l’immobilier sur l’activité et sur la croissance est intuitivement compréhensible grâce à la courroie de transmission du sentiment de richesse du propriétaire. Des études menées par l’Université de Virginie aux Etats-Unis indiquent même que chaque progression des prix immobiliers de 1% se traduit par une amélioration de 0.25% au moins de l’économie du pays. En réalité, la structuration actuelle de nos économies occidentales tellement intégrées suggère un impact encore plus important de l’immobilier sur le reste de l’économie, par l’entremise de toute une série d’effets collatéraux qui font que les chutes des prix de l’immobilier déroulent sur l’économie des conséquences encore plus sévères qu’une déroute des marchés boursiers.
Voilà pourquoi, après l’implosion des subprimes, les autorités US se lancèrent avec détermination dans la quasi nationalisation de leur marché immobilier en accordant un soutien illimité à Fannie Mae et à Freddie Mac, deux institutions qui garantissaient à elles seules plus de la moitié des hypothèques du pays. En rachetant les dettes toxiques garanties par des actifs immobiliers, la Réserve fédérale tentait évidemment de stopper l’hémorragie de l’ensemble de son économie. Comme un ménage est en mesure d’augmenter son prêt dans un contexte d’escalade des prix immobiliers, l’établissement financier lui aussi a tendance à intensifier ses crédits quand les actifs en garantie auprès de lui gagnent en valeur. En conséquence, toute hausse du marché immobilier est amplifiée par une succession de leviers, qui agissent néanmoins comme des dominos dès qu’ils chutent.
En outre, les flambées des prix de l’immobilier s’accompagnent quasiment toujours de diminutions des crédits accordés par les banques aux entreprises qui, en outre, se retrouvent pénalisées par des taux d’intérêt plus élevés, phénomène récurrent lors des bulles immobilières. Nous nous retrouvons donc souvent dans un cas de figure aberrant où un secteur bien spécifique de l’économie (l’immobilier) atteint une taille tout aussi gigantesque que nauséabonde sous le poids des liquidités qui lui sont généreusement prodiguées, tandis que les secteurs productifs de l’économie sont désespérément en quête de capitaux.
Ainsi, aux Etats-Unis les régions américaines les plus dynamiques sont aussi celles où le marché immobilier progresse le moins ! Les entreprises situées dans un contexte de marché immobilier flamboyant en sont réduites à emprunter moins, et plus cher. Elles investissent donc sensiblement moins que leurs consœurs localisées dans des zones où l’immobilier se comporte de manière plus neutre, et qui ont pu bénéficier en plus grandes quantités et à de meilleurs tarifs des largesses du système bancaire. Hélas, les politiques publiques de soutien actif au marché immobilier se pratiquent toujours et systématiquement au détriment du reste de l’appareil productif. A terme, les banques réduisent mécaniquement leurs crédits aux entreprises afin de mieux se consacrer au marché des prêts immobiliers.
Aujourd’hui, l’impact du marché immobilier sur l’ensemble des fondamentaux est considérable, y compris dans une zone à l’économie aussi massive et aussi diversifiée que l’Europe. Comme la propriété immobilière reste la source de richesse principale pour les ménages US ou français, les effets d’une dépréciation de ses prix entraînent logiquement des suites néfastes sur l’ensemble des acteurs de l’économie, et pas seulement sur les propriétaires. A l’inverse, c’est la forte hausse de l’immobilier qui avait partiellement amorti le choc de l’éclatement des valeurs technologiques en 2001 et qui a évité à l’économie américaine une forte récession. Très révélatrice à cet égard fut l’implosion de la bulle des valeurs technologiques qui détruisit dès l’an 2000 quelques 6.2 trillions de dollars, en comparaison avec celle des subprimes qui devait coûter environ 6 trillions dès 2007. Pourquoi les conséquences de la première furent quasiment insignifiantes alors que nous avons ressenti les effets de la seconde pendant une dizaine d’années ?
En y regardant de plus près, l’effondrement du marché immobilier en 2007 a très sévèrement affecté les pauvres et la classe moyenne, c’est-à-dire ceux-là même qui étaient le moins en capacité du subir de tels chocs, et qui furent logiquement les premiers à stopper leur consommation. Le crack du marché immobilier dès 2007 dans des pays comme les Etats-Unis (ou l’Espagne ou l’Irlande) a décimé la croissance en tuant la consommation. C’est donc la distribution même des pertes engendrées par cet effondrement immobilier qui a aggravé cette crise et ses répercussions sur l’économie, bien plus que la distribution des pertes lors de la crise des valeurs internet. Cette dernière crise –boursière– n’a en effet concerné que ceux qui avaient les moyens de spéculer en bourse, qui n’avaient pas nécessairement des dettes. En conséquence, les retombées pour l’activité de la crise des années 2000/2001 furent limitées en comparaison avec la crise des subprimes qui a touché de plein fouet les ménages pauvres à moyens, forcés de ralentir considérablement leur consommation pour n’avoir pas d’autre richesse que leur bien immobilier.
Alors que l’immobilier ne constitue qu’une faible portion du patrimoine des riches, il peut représenter 80 voire 100% des avoirs des ménages les moins nantis, qui deviennent forcément très vulnérables à toute implosion immobilière. Pire encore puisque la quasi-totalité de ces ménages désargentés ne peuvent acquérir leur bien immobilier que par l’entremise d’un crédit, contrairement aux riches qui n’ont pas à s’endetter. Les inégalités fragilisent donc l’économie qui vacille d’autant plus rapidement et fatalement qu’une partie de ses acteurs et de ses intervenants manque de protection face à un système qui gonfle des bulles spéculatives partout où il est susceptible de gagner de l’argent.
Car, là aussi, c’est toujours les plus démunis qui trinquent : Il va de soi que Warren Buffet ou que Mark Zuckerberg ne réduiront pas leur consommation s’ils devaient réaliser un investissement perdant de 100’000 euros, tandis qu’une famille précaire ou moyenne en serait rudement affectée. L’immobilier crée donc une croissance fallacieuse, fictive. L’immobilier est le grand parasite de l’économie productive.
Dans la mesure où le patrimoine est massivement détenu par les classes les plus aisées, si nous prenons par exemple les chiffres pour la France:
– 41.8% des ménages ne sont pas propriétaires,
– 34.1% des ménages détiennent 1 logement (leur résidence principale très probablement),
– 24.10% des ménages possèdent 65.10% des biens immobiliers,
– 3.5% des ménages possèdent 24.90% des biens immobiliers,
Que ces classes aisées recourent massivement à l’emprunt pour leurs opérations particulièrement celles immobilières (vous écrivez “contrairement aux riches qui n’ont pas à s’endetter” : travaillant dans la gestion de patrimoine depuis 13 ans, fréquentant ces classes aisées et leur mentalité, de même que celle de leurs divers conseils – banquiers, notaires, avocats, experts-comptables… – je peux vous garantir que votre phrase est cocasse à lire pour un praticien ! je vous rejoins sur la théorie que les “riches” n’auraient pas besoin de s’endetter, ce que j’encourage pour ma part – l’absence de recours à l’emprunt lorsque c’est inutile – mais alors dans la pratique…).
Que le recours à l’endettement a été grandement favorisé par les rotatives des planches à billet, pardon par les opérations de cavalerie,pardon par les opérations de quantitative easing des banques centrales occidentales,
Que ces mêmes banques centrales favorisent la hausse de toutes les classes d’actifs (bourse et immobilier), lesquels actifs sont majoritairement détenus pas les classes aisées,
Que ces banques centrales sont totalement inféodées à des intérêts cupides et bassement matérialistes (cf. les multiples délits d’initiés et autres opérations troublantes des membres de board des Fed locales aux US…),
Que les dirigeants de ces Banques Centrales se retrouvent aux premières loges de la politique (ou dans les très proches couloirs), au groupe de Thirty…
Que vous connaissez parfaitement cette situation de par votre participation au WEF, avec cette pensée unique affligeante (cf. Julien Benda, La trahison des clercs) et le phénomène de cour captant ceux fascinés par ce qui brille (de l’extérieur, parce que de l’intérieur…),
Que je vous rejoins sur le fait que “Ce phénomène fut la conséquence directe de l’intégration du système bancaire et financier, de sa dérégulation et de ses innovations comme par exemple la titrisation.”… mais que laquelle dérégulation est toujours plus présente, avec toujours plus d’opérations dans les paradis fiscaux (no comment sur le fait qu’ils sont quasiment tous des dominions britanniques ou étasuniens et que les gouvernements, la main sur le coeur, font la morale “plus jamais çà !”, et que seuls les victimes de démago-populeux croient),
Je me demande pour ma part si le parasite de la croissance n’est pas tout simplement cette finance dogmatique et dogmatisée au-dessus des Etats, laquelle est copieusement arrosée (free lunch) par les banques centrales, lesquelles se targuent de leur indépendance…que nous pouvons estimer somme toute particulièrement relative ne serait-ce que dans les dogmes et idéologies (cf. des Jean TIROLLE et Olivier BLANCHARD et les arguments spécieux avancés lors des entretiens téléphoniques sur France Culture dans Entendez-vous l’éco par exemple).
Bref, rien de nouveau sous le soleil : les petites gens ramassent les miettes que certains font tomber plus ou moins exprès de leur table. Par contre, avec de tels raisonnements sur l’immobilier, lequel garantit ceux qui en sont propriétaires d’avoir un toit sans loyer à la retraite et un capital à aliéner au besoin pour le risque vieillesse-dépendance, et les autres inepties rapportées par France Stratégie, je crains les décisions à venir qui vont s’en prendre à ces mêmes petites gens qui respectent globalement les règles du jeu, à l’inverse de la “haute finance” qui biaise fortement le jeu et ses participants (par politesse, j’ai laissé le premier i).
Mais, Yves B, nous sommes d’accord sur tout! … et l’historique de mes analyses abonde dans votre sens, qui est le bon sens.
Une petite réponse toutefois par rapport à ces riches dont je parle dans mon article qui n’ont – en théorie – pas besoin de s’endetter pour acquérir leur logement. La réalité est que – comme les banques ne prêtent qu’aux riches -, ces derniers se sont enrichis fastueusement davantage avec les taux 0 car ils ont pratiqué un levier gigantesque = empruntant tous azimuts pour investir et placer…
Un proverbe libanais dit justement: l’argent entraîne l’argent et les poux entraînent des mites.
Que les taux 0 monsieur Santi ?
https://www.telerama.fr/medias/bfmtv-a-t-elle-ete-financee-par-de-la-fraude-fiscale-cest-ce-que-demontre-une-enquete-du-media,n6334071.php
Les 10% les plus riches aux USA, c’ est la barre rouge :
https://thenextrecession.files.wordpress.com/2021/12/wir1.png
Et vous les irresponsables, vous portez bien votre masque dehors et vous achetez une bagnole électrique pour sauver la planète.
https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/levasion-fiscale-evaluee-a-427-milliards-de-dollars-dans-le-monde-1266783
…
A lire avec beaucoup d’ attention, tout est là, ou lorsque les juges compétents et loyaux proposent un travail de très haute qualité. Le nouveau contrat social que nous propose Klaus Schawb pour le nouvel ordre mondial est à combattre.
https://valeriebugault.fr/contextualisation-et-enjeux-reels-de-la-guerre-du-droit
Pauvres libanais qui vivent en avance ce qui nous attend…
Triste constat de ce que produisent à long terme des politiciens corrompus (je ne jette pas la pierre aux libanais : nous avons notre – très gros – lot de corrompus en France, c’est d’ailleurs un critère pour faire une carrière politique de premier plan, corruption matérielle ou corruption intellectuelle…)
Sur les riches, personne ne met le couteau sous leur gorge pour qu’ils s’endettent : ils souscrivent volontairement des crédits.
Donc:
– soit ils sont sous tutelle de leurs conseillers financiers, témoignant par là de leur insanité intellectuelle,
– soit ils sont schizophrènes, en s’endettant alors qu’ils indiquent pouvoir acheter cash,
– soit ils assument pleinement leur matérialité exacerbée et leur volonté sans bornes d’accumuler. Uniquement dans ce dernier cas, il n’y a pas de pathologie au sens médical, mais une cohérence entre leurs mentalités et leurs actes. En revanche, procéder ainsi est le meilleur moyen d’aller dans le mur à moyen-long terme, en témoigne d’ailleurs le résultat du Liban.
Que vaut un logement qui a 30 ans aujourd’hui dont on est propriétaire avec l’ explosion du coût de l’ énergie ?
Bien entendu nous pouvons ajouter que l’ État ne nous oubli pas dans cette histoire il va bien falloir résorber le quoi qu’ il en coûte:
https://www.capital.fr/votre-argent/taxe-fonciere-nouvelle-forte-augmentation-en-vue-pour-2022-1421462
Le prix des locations va mécaniquement flamber tandis que les petits propriétaires désargentés vont payer des factures d’ énergie très lourdes.
https://www.midilibre.fr/2021/04/13/loi-climat-il-ne-sera-plus-possible-de-louer-des-passoires-thermiques-en-2028-9484908.php
…
” Et que les gouvernements, la main sur le coeur, font la morale ” plus jamais ça ! ” et que seules les victimes de démago- populeux croient “.
Ah ça c’ est sûr Yves :
https://twitter.com/Marc_Doyer/status/1467082804718620673/photo/1
C’ est top méga groove mon Emmanuel !