Les tariffs vaudous de Trump

Les tariffs vaudous de Trump

avril 8, 2025 2 Par Michel Santi

 

«Ils sont à l’économie ce que le créationnisme est à la biologie et ce que l’astrologie est à l’astronomie», tweet de Larry Summers, ancien Secrétaire d’Etat US au Trésor. Formule qui illustre la fantaisie extrême – voire la débilité profonde – des droits de douane imposés par l’administration Trump.

Pourquoi le Lesotho, une des nations les plus démunies d’Afrique – et donc du monde – au P.I.B. annuel de 2.1 milliards de dollars/an vient-il ainsi de se voir imposer un des «tariffs» les plus élevés au monde, soit 50% ? Le Lesotho pratique-t-il une extorsion quelconque à l’encontre des Etats-Unis, dont l’argument dit et répété est qu’ils ne font qu’appliquer la réciprocité en termes de droits de douane ? Certes membre de l’Union douanière d’Afrique australe qui applique un barème commun, le Lesotho impose les mêmes droits à l’importation de marchandises US que les autres pays auxquels il est associé comme membres de cette Union, à savoir le Botswana, l’Afrique du Sud, la Namibie, l’Eswatini. Dès lors, nous comprenons la logique américaine de taxer à l’identique les pays appartenant à une même association douanière.

Pas du tout ! Car ses membres ne sont pas logés à la même enseigne puisqu’ils écopent de respectivement 37, 30, 21 et 10%. Mais que se passe-t-il donc avec le Lesotho, nettement moins bien traité que ses confrères de l’Union ? Eh bien, il exporte annuellement en direction des USA pour environ 240 millions $, principalement en diamants, alors qu’il n’ importe qu’à hauteur de 7 millions de biens US. Ce pays pratique-t-il de quelconques manœuvres déloyales le conduisant à afficher un large excédent commercial avec les Etats-Unis ? En réalité, dans une nation où plus de la moitié de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, et dispose d’un revenu annuel inférieur à 1’000 $, soit moins de 3 $/jour, quasiment personne ne peut se permettre d’acheter un iPhone, encore moins une Tesla.

Ces tariffs américains n’obéissent donc pas à une quelconque logique de réciprocité. Ils ne sont pas une réaction aux droits perçus par un pays tiers sur les exportations américaines. Ils sont basés sur le montant du déficit subi par les Etats-Unis par rapport à chaque pays, qui plus est à l’aide d’une méthode de calcul primitive. Comme les USA entretiennent avec le Lesotho un déficit de quasiment 100%, ils lui appliquent en conséquence un tariff «discounté» de 50%. Mais pourquoi ces pays visés par ces taxes manifestent-ils un tel mécontentement, alors que les USA ne daignent même pas leur imposer la réciprocité, mais se montrent généreux, voire magnanimes, en divisant par deux le tarif qu’ils devraient en théorie appliquer ?

Je ne vois, quant à moi, que deux solutions pour équilibrer le déficit commercial des Etats-Unis avec le Lesotho : que les premiers importent moins de diamants, permettre aux seconds d’accéder à un niveau de vie les autorisant de s’acheter des gadgets américains.

Cette situation surréaliste prévaut également pour St. Pierre et Miquelon (5’819 habitants) contraints de payer 50%, pour exporter principalement de la langouste en direction des Etats-Unis. Pour mémoire, l’algorithme employé par les autorités américaines avait initialement suggéré un tarif de 99% à l’encontre de St. Pierre et Miquelon…

A travers ces exemples, certes extrêmes, plusieurs constatations. Ces tariffs n’amélioreront pas l’industrialisation américaine car pas plus le Lesotho que St.Pierre ne constituent de menace pour les excédents dont ils bénéficient et qui sont de nature structurelle. Ils aggraveront immanquablement la situation déjà désastreuse de ces nations, car leurs citoyens seront encore moins capable de se payer des biens américains dont les prix seront majorés de 50% ! Ces mesures appauvriront davantage les pays défavorisés. Elles sont une volte-face cinglante de la stratégie US qui a enseigné des décennies durant que la pauvreté sera éradiquée grâce aux effets conjugués de soutiens financiers (disparus avec USAID) et du commerce.

Il va de soi qu’une refondation des alliances au sein des nations africaines, et par-delà dans le monde entier, sera une des conséquences immédiates de ces tariffs américains. L’AFRICOM (United States Africa Command), qui supervise les opérations militaires et la coopération en matière de sécurité en Afrique, a pour objectif de promouvoir la paix, la stabilité et les partenariats sur le continent. Son commandant, le Général Langley, vient de mettre en garde car la Chine tente désormais de répliquer les programmes d’entraides US envers l’Afrique, les «utilisant comme une extension de son Initiative de la Ceinture et de la Route (Belt and Road)».

Chers lecteurs,

Ce blog est le vôtre : je le tiens assidument avec régularité et passion. Des milliers d’articles et d’analyses sont à votre disposition, dont les premiers remontent à 1993 !

Mes prises de position macro économiques furent autrefois qualifiées d’hétérodoxes. Elles sont aujourd’hui communément admises et reconnues. Quoiqu’il en soit, elles ont toujours été sincères.

Comme vous l’imaginez, vous qui découvrez ce site ou vous qui me lisez depuis des années, l’énergie déployée et le temps consacré à mes recherches sont substantiels. Ce travail continuera à rester bénévole, accessible à toutes et à tous.

Je mets à votre disposition cette plateforme de paiement, et vous encourage à me soutenir par des dons, ponctuels ou récurrents.

Que celles et ceux qui jugent bon de soutenir ma démarche en soient chaleureusement remerciés.