L’Europe: une histoire avec fin

L’Europe: une histoire avec fin

mars 30, 2015 0 Par Michel Santi

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La déflation ne fait pas que des malheureux, elle rend des services considérables à nos gouvernements européens capables grâce à elle de se financer à des prix désormais négatifs. Les taux négatifs sont donc un pur produit de la déflation. Ce déclin des taux d’intérêt reflète aussi une tendance lourde ayant précédé l’avènement des crises économiques et financières des années 2007 et 2008: conséquence – et meilleure preuve de succès – de nos politiques publiques dans leur lutte contre l’inflation. Il va de soi que les prêteurs revoient progressivement à la baisse leurs prétentions et exigences de rémunération à mesure que s’estompe le spectre inflationniste. Comme il n’y a plus lieu de s’assurer contre une dépréciation de la valeur de l’argent (l’inflation), la prime (taux d’intérêt payé en contrepartie du financement accordé) rétrécit en fonction.

Excellent pour les débiteurs, si ce n’est que ce tassement du taux d’intérêt indique également que les investisseurs anticipent une croissance économique toujours plus faible. Le stade ultime étant celui que l’Europe aborde depuis peu, marqué par des taux négatifs qui ne font que refléter une stagnation, voire une récession, dont les divers intervenants pensent qu’elle sera durable, voire séculaire. Les investisseurs et autres créanciers n’étant pas des philanthropes, ils ne révisent en baisse leurs prétentions et exigences de rentabilité que parce qu’ils anticipent une hausse des prix nulle, précisément du fait de cette conjoncture économique déprimée. Voilà qui explique pourquoi nombre de gouvernements européens peuvent aujourd’hui se financer à taux négatifs: leurs créanciers sont tout heureux de pouvoir prêter à des débiteurs solvables (les Etats) et sont même disposés à payer un certain prix pour pouvoir y “parquer” leur épargne.

Constat déplorable et révélateur du climat européen actuel où les heureux détenteurs de fonds préfèrent payer pour assurer la sécurité de leurs avoirs plutôt que de les investir dans l’économie. De ce point de vue, les taux négatifs sont assurément un très mauvais présage pour l’Europe car ils n’augurent que la récession ou au mieux la croissance anémique, tous deux faits pour durer car notre continent est en plein déclin démographique. Et comment éviter cette stagnation, inévitablement condamnée à s’avérer séculaire, quand l’Europe compte en moyenne un retraité pour une personne active ? Une solution serait certes l’amélioration considérable de la productivité au travail, en d’autres termes produire mieux et plus aux mêmes prix. Hypothèse à écarter d’emblée car les européens ne sont pas les japonais qui, en dépit d’immenses sacrifices consentis, ne sont toujours pas sortis de “leur” stagnation séculaire. Une autre solution – politiquement irréalisable – consisterait pour les Etats à lever des emprunts obligatoires, destinés à canaliser l’épargne vers l’économie, les entreprises et les grands travaux d’infrastructure.

Plus vraisemblablement, la seule et unique porte de sortie sera encore et toujours assurée par les banques centrales qui poursuivront leur expérimentation de monétisation des dettes publiques, c’est-à-dire qui achèteront toujours plus de dette émise par leur Etat de tutelle. L’objectif de cette politique peu conventionnelle étant d’assurer aux Etats un financement à des tarifs toujours plus avantageux qui leur permettra de maintenir leur économie sous respiration artificielle à la faveur de ces sommes gracieusement mises à leur disposition par leur banque centrale. Pour autant, cette constante monétisation des dettes publiques aura à son tour pour effet collatéral d’enraciner les taux négatifs en Europe et de les faire persister pendant encore de longues années.

L’Europe est donc aujourd’hui hantée par plusieurs spectres qui se renforcent mutuellement, voire qui s’auto alimentent: celui de la stagnation économique qui induit l’effondrement des taux d’intérêt, lui même pur produit de la déflation, elle même résultante des chocs démographiques, à leur tour principal motif des déficits publics, nécessitant donc l’intervention toujours plus massive des banques centrales.

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