Bernanke à Jackson Hole ou quand les années se suivent et ne se ressemblent pas

Bernanke à Jackson Hole ou quand les années se suivent et ne se ressemblent pas

août 26, 2011 0 Par Michel Santi

Le monde a-t-il encore besoin de baisses de taux quantitatives ? Notre environnement économique et financier est-il encore en mesure d’ »encaisser » plus de ces baisses de taux quantitatives ? Les attentions seront à cet effet  toutes braquées sur le grand manitou Bernanke qui, à Jackson Hole aujourd’hui, devrait en décider comme il l’avait fait au même endroit l’an dernier en dévoilant des stimuli de 600 milliards de dollars dans ce qui avait été baptisé les « QE2 »…

 

Ne nous y trompons pas : il n’y a strictement aucune limite à ce que peut entreprendre la Réserve Fédérale américaine en terme de “quantitative easing” ! Disons-le autrement afin d’être vraiment limpide à ce sujet : une Banque Centrale comme la Fed et, qui plus est, dotée de l’arme redoutable du dollar peut virtuellement acheter tout ce que bon lui semble car il s’agit bien – et il ne s’agit que ! – de cela… Les « baisses de taux quantitatives » se résument en fait à une action simple – quasi pavlovienne – en vertu de laquelle une Banque Centrale rafle tous les actifs qui se présentent à elle avec, bien-sûr, une nette prédilection pour les papiers valeurs émis par les entreprises et par son propre Etat.

 

Cette boulimie ayant un et un seul objectif, celui de comprimer la rentabilité de ces obligations de telle sorte à ce que les investisseurs placent leurs deniers dans des actifs censés leur offrir un meilleur rendement – c’est-à-dire au sein même de l’économie « réelle » – tout en contribuant à relancer la croissance… Les intérêts payés sur les Bons du Trésor et autres emprunts levés par des entreprises fleurons de l’économie deviennent ainsi très peu attractifs tant et si bien que le consommateur préfère encore dépenser que d’épargner pour gagner 1% et que l’investisseur, pour sa part, opte pour placer dans les entreprises et dans la création de valeur ajoutée plutôt que de souscrire à des obligations au rendement négligeable… Une Banque Centrale de taille respectable et disposant d’une monnaie fiable est donc à même d’imprimer autant de billets qu’elle le souhaite et peut théoriquement se mettre à acheter même des maisons dans le seul but de promouvoir … l’inflation ! Une dépression à l’instar de celle qui sévit sur notre monde actuellement n’étant en effet susceptible d’être jugulée que grâce à l’activation du levier inflationniste.

 

Pour autant, ces baisses de taux quantitatives sont loin de représenter la panacée car, tout comme l’abus de l’alcool (tout euphorisant fût-il) est mauvais pour la santé, la réitération des injections de liquidités, elle, produit au fur et à mesure moins d’effets positifs. Les QE2 n’ont-elles pas eu – pour la vraie économie s’entend – des retombées moins appréciables que les QE1 ? Les raisons en étant principalement « mécaniques » car il tombe sous le sens que réduire les taux d’intérêts de 1% quand ceux-ci sont à 5 aura bien plus de conséquences que quand ces mêmes taux sont à 1%…étant entendu que les taux d’intérêts ne peuvent passer en-dessous de 0. Ce qui limite cependant de manière radicale les effets de ces baisses de taux quantitatives, en fait les raisons profondes expliquant l’inutilité d’en appliquer de nouvelles aujourd’hui sont à chercher au sein même de l’économie américaine qui souffre de faiblesses fondamentales.

 

Si les effets de QE3 hypothétiques seraient incontestablement euphorisants pour les bourses et pour les matières premières, ils ne remédieraient nullement à une économie US devenue progressivement peu compétitive dans un cadre général où le citoyen de ce pays a trop longtemps vécu bien au-dessus de ses moyens. Une injection de stimuli supplémentaires ne feraient ainsi qu’aggraver davantage les déficits (commerciaux et budgétaires) américains en retardant l’indispensable et inévitable processus de « deleveraging » consistant à ce que l’économie et les citoyens de ce pays se débarrassent et se nettoient de leurs dettes. Il convient ainsi de lever toute ambigüité: les américains devront fatalement passer par cette case « deleveraging » afin de redresser leur économie. Ce qui signifie également que leur situation ira de mal en pis avant de pouvoir espérer s’améliorer !

 

En attendant, tout ce que Bernanke peut offrir est de formaliser et de confirmer son engagement du 8 Août dernier, à savoir le maintien de ses taux d’intérêts à leur niveau actuel pendant encore deux ans. Il y a des limites à ce que peut faire une Banque Centrale fût-elle la Réserve Fédérale américaine et en dépit d’avoir à sa tête un homme énergique et déterminé comme Ben Bernanke…

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