La montée en puissance des départements ”compliance” (en français : conformité) des banques s’explique par les amendes imposées par les régulateurs et services judiciaires occidentaux, principalement américains. Après les attaques du 11-Septembre, après le « Patriot Act », après les sanctions US à l’encontre de l’Iran, de la Russie, de certains intervenants mexicains et de tous ceux que les Etats-Unis peuvent décréter peu fréquentables à un instant ponctuel et de manière unilatérale, c’est un peu moins de 30 milliards de dollars qui ont été prélevés sur le système bancaire mondial depuis 2008. Citons l’amende géante de 9.5 milliards à l’encontre de BNP Paribas, les 2 milliards payés par HSBC, les 1.8 milliards imposés à Standard Chartered, la condamnation cette année de l’UBS (qui a fait appel) à une amende (sans précédent en France) de 4.5 milliards d’euros pour évasion fiscale, sachant que cette liste est loin d’être exhaustive car amenée à s’étoffer avec les banques scandinaves (comme Danske Bank ou Swedbank) sur la sellette pour être impliquées dans des scandales de blanchiment d’argent russe…
La compliance est donc devenu aujourd’hui le véritable système immunitaire de la banque. La comparaison étant loin d’être fortuite car – de fait – la lutte contre les crimes financiers relève, en 2019, d’une sophistication offrant des similitudes avec la complexité du système sanguin. Pour survivre, pour éviter d’être asphyxié sous une pléthore de réglementations couvrant l’ensemble des domaines d’activité de la banque, les «services» compliance, très vite érigés en «départements», ont dû recruter à une échelle quasiment industrielle dans un objectif double consistant à se conformer aux lois tout en étant armés face à l’inventivité des délinquants. Ainsi, en 2019, les 30’000 employés compliance de Citigroup constituent-ils 15% de l’ensemble du personnel de cette banque…contre 4% en 2008, tandis que JP Morgan Chase annonce pour sa part 43’000 employés dans ses divers départements conformité !
Les établissements financiers dépensent donc sans compter pour se protéger, comme Standard Chartered qui a puisé l’an dernier 20% de son profit avant impôts afin de perfectionner sa compliance, ou les banques britanniques ayant, selon la «Financial Conduct Authority», consacré 6.5 milliards de dollars en 2018 à la lutte diverse et variée contre les blanchiments en tous genres. Dans un tel contexte, il va de soi que ce sont celles qui se retrouvent dans l’œil du cyclone qui se montrent les plus zélées et qui affichent publiquement, haut et fort, leur détermination, à l’instar de Danske Bank qui vient d’annoncer le recrutement de plus de 600 spécialistes au sein de ce département. En toute logique, cette branche bien spécifique du monde de la banque – naguère noyée dans les services juridiques ou «risques» – a considérablement gagné en visibilité puisque les responsables de la compliance ont désormais un accès direct au Président-Directeur Général. Leur cahier des charges couvre aujourd’hui des domaines essentiels comme les communications au Conseil d’Administration, la transmission d’informations cruciales aux clients et même la refondation de la culture bancaire.
Un établissement comme BNP Paribas est en effet pionnier dans la promotion de certains de ses cadres depuis divers services vers la compliance, et vice-versa, dans le but évident d’inculquer à l’ensemble de la banque les bons réflexes, mais également de familiariser les membres du département conformité aux divers métiers bancaires, et donc d’aiguiser leur œil face à d’éventuelles malversations ou erreurs commises par leurs collègues. Les rémunérations ont forcément dû suivre car les experts de talent (dans et hors de la banque) qui snobaient autrefois la compliance sont aujourd’hui attirés par des salaires comparables à ceux des cadres bancaires placés dans les «centres de profit».
Pour autant, il semblerait que 2019 et que 2020 soient les années du “Peak Compliance” du fait de la Révolution de l’Intelligence Artificielle et du Big Data. Déjà, HSBC envisage d’assigner un «bot» à chacun de ses clients qui serait en quelque sorte son «mouchard». Les banques anticipent en effet des partenariats étroits avec celles que l’on nomment les «Regtech» (comme RegBot ou Arachnys) dont les robots et algorithmes remplaceront les humains, accompliront toutes les tâches dévolues à la compliance, seront capables de maîtriser les méandres légaux et réglementaires d’un contexte condamné à se complexifier toujours plus.
Emblématique à cet effet est la loi dite «Dodd-Frank» promulguée en 2010 aux États-Unis, dont l’objectif était d’empêcher les abus des comportements de la finance et de permettre aux autorités de saisir – voire de démanteler – les établissements à taille de mastodonte, les « too big to fail ». Pourtant, comment agir de manière rapide et optimale dans un contexte où ce texte de loi fait 850 pages, soit plus de vingt fois la célèbre loi «Glass-Steagall» adoptée au lendemain de 1929 ? À elles seules, les règles (de cette loi Dodd-Frank) censées encadrer les opérations à risques entreprises pour les fonds propres des banques – les fameuses «Volcker rules» – comprennent 382 questions et 1420 sous-questions ! Certaines explications ou clarifications de cette loi concernant des points techniques s’étalent en outre sur des centaines de pages. Si bien que pas même le régulateur ne saurait prétendre avoir lu cette loi en entier… ou l’avoir comprise ! De l’aveu même de Sheila Blair, ancienne patronne de la FDIC (le régulateur américain), cette réforme «se noie dans un océan de complexité».
Pour reprendre l’analogie sanguine du début de cette analyse, les globules blancs – constituant l’essentiel du système de défense de notre organisme – peuvent se révéler nocifs pour l’organisme qui devient dès lors leucémique. Attention donc à ne pas sombrer dans l’excès contraire car trop de surveillance – comme trop de réglementations – peuvent en finalité avoir des pernicieux, voire profiter à la délinquance.
Ouf ! Nous sommes rassurés quant à la fin des pratiques illégales des banques grâce à ces services de compliance “Les établissements financiers dépensent donc sans compter pour se protéger”…
Les cartels colombiens, les diverses mafias, les politiciens corrompus et corrupteurs, etc…doivent craindre pour le blanchiment de leurs revenus et la dissimulation de certains flux !!
Autant je cultive une certaine naïveté pour favoriser l’espérance, autant croire que les banques vont cesser leurs pratiques illégales notamment parce qu’elles mettent en oeuvre des moyens avec leurs services compliance, il y a un gigantesque pas que les multiples faits m’empêchent de franchir !!
En effet, dès lors que ce ne seront que quelques semaines/mois/trimestres de bénéfices qui seront versés à titre de réglements à l’amiables, d’amendes, etc… sans aucune condamnation au pénal de dirigeants (cf. John STUMPF, ancien CEO de Wells Fargo qui verse une amende de 17.5M d’USD lorsque sa rémunération annuelle était de 15-20M USD /an. Certes il est banni du milieu bancaire et s’est vu privé d’actions gratuites… une année de rémunération perdue sur les plus de 10 à ce niveau…), il ny aura strictement aucune évolution.
Le service COMPLIANCE représente le premier niveau d’alerte : si le département compliance en interne vous trouve, c’est que les activités ne sont pas assez dissimulées.
Déresponsabilisation, cupidité, récompense de la malhonnêteté, avocats des banques et de la finance…
Vite ! Vite ! Poursuivons les aides en centaines de Milliards pour ces banques qui n’oeuvrent que pour le salut, que pour le bien commun, qui sont des vecteurs de bien vivre ensemble (ah, cette mise à disposition d’argent à taux négatif aux banques pour qu’elles les prêtent à taux positif, avec la garantie de l’Etat : du gain X du gain sans le port du risque, exceptionnel ! )..
Surtout, ne changeons rien, pas de condamnations au pénal fortes (et non juste des clopinettes), pas de sanction contre les personnes morales et physiques à même de mettre en péril la survie de l’établissement (“mais non, surtout pas Yves B ! les banques sont indispensables et il ne faut qu’une seule d’entre elle disparaisse ! Il faut leur faire une petite tape sur les mains et elles vont rentrer dans le rang! “). Business as usual (même si ce business est celui du vice, viver Bernard MAN(…)DEVIL(LE)).