Comment investir dans l’art ?

Comment investir dans l’art ?

janvier 19, 2019 0 Par Michel Santi

Le rapport «Art et finance» signé Deloitte Luxembourg nous indique que près de 80% des gestionnaires de fortune estiment que l’art se doit d’intégrer tout portefeuille. Le maître mot – principalement en période de volatilité et d’incertitude exacerbées – étant la diversification, il va de soi qu’investir en art – actif tangible par excellence – s’impose. Comment procéder cependant, alors que même les banques qui sont de plus en plus nombreuses à disposer d’un département dédié ne se lancent pas pour autant dans le conseil en acquisition ? Tout comme les autres types de placement, par exemple boursiers ou obligataires, l’art n’est pas monolithique et exige à l’évidence discernement et professionnalisme. Mon statut d’ «art advisor» conjugué à mon profil de macro économiste et à mon expérience dans la gestion de patrimoine m’ont enseigné que tout investissement en art doit reposer sur ce que je définis comme étant les «quatre piliers».

Tout artiste accompli ayant un cote, le premier pilier d’un bon placement en art exige d’étudier et d’analyser le graphique de l’évolution des prix de cet artiste, à l’instar d’une valeur cotée en bourse ou d’une devise. A cet égard, investir sur le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) dont les prix se sont appréciés de 65% en 18 ans, ou sur le surréaliste franco-cubain Wifredo Lam (1902-1982) dont les prix ont progressé de 58% sur la même période, ne présente pas le même degré de risque que d’acheter Jean-Michel Basquiat (1960-1988) dont la cote s’est pendant ce temps envolée de 1’600 % …ou que de miser sur l’artiste allemand Albert Oehlen (né en 1954) qui a explosé de 3’500 !

Le second pilier – crucial – est l’estimation des prix car le préalable incontournable à tout bon investissement – quelle qu’en soit sa nature – est le prix d’acquisition. A cet égard, il y a va des œuvres d’art comme des actions ou des monnaies, elles peuvent être intéressantes voire tentantes, mais pas à n’importe quel prix. Une estimation du prix maximum à payer – dans le cadre de la négociation avec la galerie ou au marteau dans le cas d’un achat aux enchères – sera ainsi impérative afin que ce placement puisse s’avérer viable et rentable, même sur le court terme.

La répartition géographique est notre troisième pilier, comme pour tout placement où la prudence et la bonne gestion exigent de diversifier tant les secteurs d’activité que les pays d’origine. Un investissement en direction d’artistes issus de pays ou de continents émergents s’avère donc très judicieux car – outre la très grande qualité des artistes de pays comme l’Iran, Cuba ou le Nigéria (pour ne citer qu’eux), leur cote bénéficiera à coup sûr de l’évolution macro économique de leur pays d’origine.

Comme dans la gestion de fortune traditionnelle, l’allocation d’actifs est le quatrième pilier de tout placement réussi en art et, à cet égard, la répartition idéale – selon moi – serait d’investir 80% d’un portefeuille dans l’art moderne (1910-1950) et 20% dans l’art contemporain. Effectivement, tandis que les artistes appartenant à la première catégorie sont des valeurs sûres (ce que j’appelle les «blue chips»), l’art contemporain présente la spécificité d’autoriser un rendement nettement supérieur, mais au prix de cotes d’artistes souvent très spéculatives et volatiles.

Il est une considération pas encore évoquée mais qui n’en reste pas moins fondamentale à ce sous-jacent: le goût, l’esthétique, bref la passion. Si mon exposé ci-dessus vous a paru rationnel voire froid, il est néanmoins indispensable en art de n’acheter que ce que l’on aime. Il faut donc faire confiance à son œil – ou à celui de son «art advisor» – car la différence fondamentale entre un investissement en art et un placement sur les marchés financiers réside dans cette inclination émotionnelle vis-à-vis de tel artiste ou de telle œuvre dont il ne faut pas se départir et qu’il faut assumer. Les 4 piliers doivent toutefois toujours être présents afin que cet achat ne se transforme pas en folie, ou en déroute.

Dès lors, il appartiendra à chaque profil d’investisseur de déterminer s’il est préférable d’acquérir les œuvres en direct ou de souscrire à un véhicule de placement collectif. La finalité de ces deux manières d’adhérer à un investissement sur le marché de l’art est effectivement de nature radicalement différente, même si les objectifs en termes de rentabilité sont similaires. Un «pur» investisseur pourrait en effet privilégier un fonds sur l’art, alors que des considérations d’ordre patrimoniale feraient plutôt pencher la balance vers des achats d’œuvres d’art destinées à être accrochées chez soi ou conservées dans un entrepôt sécurisé. En tout état de cause, l’objectif de rentabilité annuelle de tout investissement en art réalisé selon ma technique des 4 piliers est de 4% l’an.

En résumé, l’investissement avisé et sécuritaire en art est, comme on le constate, un métier à part entière. Il doit être personnalisé et adapté à tout interlocuteur, à ses besoins et impératifs de budget, d’horizon de placement, d’appétence au risque, et également de goût.

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