Un clash des capitalismes ?

Un clash des capitalismes ?

février 9, 2011 0 Par Michel Santi

“Les grandes luttes du XX ème siècle entre la liberté et le totalitarisme se sont terminées par une victoire décisive des forces de la liberté et du seul modèle possible de succès: liberté, démocratie et libre entreprise. Au XXI ème siècle, seules les nations qui s’engageront à protéger les droits de l’Homme et à garantir la liberté économique seront capables d’assurer leur prospérité”. Ecrite en 2002 par le conseil américain de “stratégie de sécurité nationale” sous l’impulsion de l’ex-Président George W Bush, cet auto satisfecit semble appartenir aujourd’hui à des temps révolus. En effet, le capitalisme Occidental a survécu de justesse à la crise des années 2007 à 2010 qui l’a laissé mortellement blessé. Ses plaies infectées crachent aujourd’hui l’inégalité, le mécontentement social et les endettements colossaux. 

N’est-il pas réconfortant de constater qu’au même moment les autres variantes du capitalisme – en vigueur en Chine, en Inde ou au Brésil – respirent le dynamisme pour avoir tiré les bons enseignements de nos échecs? Leurs succès économique se transformant naturellement en un accroissement de leur pouvoir politique et géostratégique, notre modèle Occidental de démocratie construite sur le libéralisme ne séduit plus ces nations qui parviennent à un stade avancé du confort matériel. Chacun de ces pays instaurant à l’intérieur de ses frontières sa propre version du capitalisme, notre monde n’est (heureusement) plus unipolaire au grand mécontentement de la feue hyper puissance américaine désormais quasiment impuissante à imposer son modèle. 

Qu’il est loin aujourd’hui le triomphalisme du début des années 1990 qui avait vu le sacre du standard capitaliste américain érigé en valeur morale suprême et que la mosaïque actuelle des modèles économiques (pourtant tous inspirés par les Etats-Unis) doit leur paraître désordonnée et menaçante? Tout avait pourtant bien commencé… La démocratie n’était-elle pas supposée  être en quelque sorte une sécrétion naturelle et ce dès lors que la Russie et que la Chine embrasseraient le capitalisme? Notre Occident voit aujourd’hui l’ensemble de ses repères remis en question par le formidable développement économique de nations où règne le parti unique et par nombre d’autres n’ayant pas du tout la même compréhension du mot “démocratie”… Au grand dam des Etats-Unis et de leurs alliés, ces nations s’enrichissent à une cadence impressionnante -certaines sont en passe de devenir des superpuissances régionales ou même mondiale – sans pour autant adopter les normes Occidentales. 

Et contrairement au mot d’ordre ou au vœu pieux – “des normes partagées pour une nouvelle réalité” – du World Economic Forum tenu tout récemment à Davos, les dirigeants chinois (pour ne citer qu’eux) sont loin de souhaiter partager notre dogmatisme. Ils réclament le droit de gérer leur nation à leur manière et sont en fait partisans d’un monde où chaque puissance régionale – la Chine, les Etats-Unis et l’Europe – serait libre de conduire ses affaires intérieures sans ingérence étrangère. Ces “normes partagées” se limiteraient donc à l’indispensable afin de pouvoir faire coexister ces blocs régionaux, une sorte de plus petit dénominateur commun comprenant des secteurs comme la réglementation du trafic aérien ou du commerce international permettant de sauvegarder les souveraineté nationales respectives.  

Notre monde Occidental doit donc aujourd’hui considérablement revoir à la baisse la masse de ces “normes” qu’il exigeait autrefois de partager – voire d’imposer – aux grands pays émergents car la crise a démontré de façon irréfutable à la Chine, au Brésil et à d’autres que notre modèle était loin d’être infaillible. Milton Freedman, qui affirmait qu’une société qui privilégie l’égalité des revenus à la liberté “finit par n’avoir ni l’égalité ni la liberté”, semble bien désuet aujourd’hui aux yeux de ces nations qui observent nos modes de comportement Occidentaux. Car notre liberté n’a plus à nos yeux qu’une valeur instrumentale, une sorte de levier nous permettant de parvenir à nos objectifs matériels… Notre défense des libertés – de la liberté – semble bien peu crédible alors même que nous l’abdiquons au profit de ces entreprises à la taille de mastodonte qui nous imposent en permanence leurs diktats. Comment pouvons-nous être crédibles pour imposer à d’autres nations le concept des droits de l’Homme alors que le prétexte même de “liberté” permet, chez nous, à une minorité de concentrer en ses mains richesses et pouvoirs excessifs?

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