Toutes les dettes ne se valent pas
L’Allemagne est pour solde plus endettée que la Grèce ! Effectivement, en tenant compte de la dette publique mais également de la dette des ménages, des entreprises et des banques, l’Allemagne montre un endettement global ramené à son P.I.B. qui est supérieur au chiffre grec. Ainsi, la Grèce a un déficit de ses comptes publics excessif de l’ordre de 135% de son P.I.B. tandis que l’Allemagne – dont la dette publique n’est que de 83% de son P.I.B. – se distingue, elle, par des dettes principalement détenues par ses banques qui font largement la différence et qui creusent dramatiquement ce chiffre global. Autrement dit, la notion « qualitative » de dette est fondamentale et, à cet effet, si elle souhaite être épargnée par les affres des marchés, une nation doit en outre disposer d’un plan crédible visant à réduire celle de sa dette qui attire le plus l’attention des investisseurs, à savoir sa dette publique. Démonstration à l’appui avec le cas de la Grande Bretagne qui, en dépit de dettes globales égales à 5 fois son P.I.B., paie un taux inférieur à 2% pour ses emprunts sur 10 ans et jouit toujours de sa notation AAA … perdue pourtant par la France qui subit pour sa part un endettement total de seulement 3.5 fois son P.I.B. et qui paie 1% de plus que la Grande Bretagne pour se financer à 10 ans ! Les marchés opèrent effectivement une distinction subtile et souvent empirique: le Danemark (cet autre AAA) ne s’acquitte-t-il pas ainsi pour se financer à 10 ans de taux inférieurs à ceux de l’Allemagne – c’est-à-dire 1.7% contre 1.8% – et ce alors même que ses endettements privés dépassent leurs équivalents allemands ?
En réalité, les motifs expliquant pourquoi certains pays sont gratifiés de taux compétitifs pour leurs financements alors même qu’ils subissent des déficits parfois plus massifs que d’autres qui se retrouvent pénalisés du point de vue de la charge de leur dette sont complexes et s’articulent autour de plusieurs points. En effet, les dettes des ménages sont très majoritairement adossées à des actifs (immobilier, portefeuilles titres ou autres) tandis que celles de l’Etat reposent intégralement sur la capacité (et parfois la volonté) de ses citoyens à régler leurs contributions publiques. Certaines nations peuvent certes vendre leurs propres avoirs nationaux (comme la Grèce qui a consenti un long « leasing » à la Chine sur le port du Pirée) mais l’essentiel des revenus d’un Etat dépend de la fiscalité imposée aux citoyens et aux entreprises. Les échéances du refinancement de cette dette publique importe par ailleurs dans le sens où une nation sera moins avantagée si elle doit régulièrement affronter les marchés qui n’hésiteront pas à la tester et à la passer aux rayons X lors de chacune de ses levées de fond. D’autres considérations essentielles entrent enfin en ligne de compte comme la tendance générale de ses déficits à se résorber ou, au contraire, à s’aggraver et bien-sûr les perspectives de croissance intérieure ou régionale qui restent déterminantes dans la capacité du pays à conserver la maîtrise de ses déficits.
Quoiqu’il en soit, la rude tâche du deleveraging – le remboursement progressif des dettes – comprime la croissance, processus susceptible de s’étaler pendant des années, voire des décennies comme au Japon. Ces efforts sont néanmoins très souvent (sauf dans le cas tragique du Japon) couronnés de résultats :comme en Suède ou en Finlande qui ont lutté dans les années 1990 avec détermination contre leurs bulles respectives et qui bénéficient aujourd’hui d’une conjoncture exceptionnelle en ces temps de crise mondiale.
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