Revenons aux fondamentaux

octobre 10, 2011 0 Par Michel Santi

A l’unisson, l’économiste de base et le politique n’ont de cesse de s’interroger: Que se passe-t-il-t-il et quelles erreurs commettons-nous ? Pourquoi nos économies n’émergent-elles pas de la crise et de la récession « comme prévu » ? Pourquoi les taux du chômage au sein de nos nations « développées » ne cessent-ils de s’aggraver – les USA comptent ainsi officiellement 11 millions de sans emplois, le chiffre réel étant bien plus élevé – alors que le redémarrage de l’activité s’était effectué sans trop de difficultés lors des crises ayant  épisodiquement secoué nos économies depuis une trentaine d’années ? En fait, si ces brillants cerveaux ne parviennent à trouver la bonne réponse, c’est parce qu’ils posent la mauvaise question… Car, à la vérité, la récession et la crise actuelles ne sont simplement pas de même nature que les précédentes.

 

Ainsi, tandis que les chocs précédents se produisaient dans un contexte général économique relativement sain et que les entreprises –  qui
parvenaient  à digérer assez aisément un ralentissement certes violent mais qui restait limité dans le temps  – se remettaient à embaucher une fois l’orage passé. La crise démarrée en 2007, elle, a fait son lit dans un environnement chargé de dettes … à moins qu’elle n’ait précisément été suscitée par ce trop plein de déficits ?  Cette distinction est fondamentale car la dynamique de la reprise s’en trouve complètement bouleversée : une économie croulant sous les dettes ayant en effet tendance à se redresser très péniblement et uniquement à long terme. Ce phénomène – qualifié judicieusement en anglais de « deleveraging » –  consiste banalement à limiter drastiquement ses dépenses afin de rembourser ses dettes et payer ses factures.

 

Du reste, une toute récente étude de la Réserve Fédérale américaine conduite auprès de 238 pays démontre le rôle crucial joué par le fardeau de l’endettement dans le rythme de la croissance économique.  La conclusion de ce travail révèle effectivement que les engagements importants des ménages et des entreprises restent – de loin – l’obstacle principal à une croissance solide et durable.  Le cas du Japon des années 1990 ne nous indique-t-il pas en effet qu’une récession induite par une crise de solvabilité ne se remédie que par le redressement des bilans des sociétés et des budgets des ménages ? Ce préalable élémentaire semble pourtant royalement ignoré par la classe dirigeante – principalement aux Etats-Unis – qui se disperse, qui brûle toutes ses munitions et qui tente d’anesthésier les citoyens à la faveur des injections de liquidités et autres exhortations à la consommation alors que seul un traitement du mal à sa racine est  capable de soulager nos économies meurtries par tant de dettes. Il est vrai que cette solution ne déroule ses effets que sur la durée comme il est vrai que le projet et calcul d’un responsable politique ne dépassent pas le terme des prochaines élections…

 

Pour autant, les données factuelles sont d’une limpidité indiscutable : ce n’est pas les impôts qui freinent la croissance, ce n’est pas l’intensification de la règlementation qui nuit au redémarrage économique. Le seul et unique responsable en est ce fameux deleveraging, soit le remboursement par les consommateurs, par les entreprises et bien-sûr par les Etats de leurs déficits en l’absence duquel tout semblant de croissance ne sera qu’illusion.  Ainsi, suite à l’implosion de deux bulles – de l’immobilier puis du crédit -, les ménages américains semblent avoir enfin compris la vanité des approches entreprises à grands frais par leurs responsables politiques et économiques les poussant à consommer et à dépenser toujours plus. Ils ont ainsi réduit depuis le début de la crise les niveaux de leur endettement pour les ramener de 130% de leurs revenus en 2007 à 115% en fin d’année 2010, loin toutefois du niveau de 75% prévalant il y a une vingtaine d’années. De même ont-ils fait progresser leur épargne tombée dès 2005 à des paliers quasi inexistants.

 

Ce bon sens populaire n’est cependant pas encouragé par les autorités qui s’entêtent à stimuler davantage, comme emmurées dans un univers parallèle où seule la relance de la demande agrégée serait digne d’intérêt … quand l’intuition collective enseigne aux citoyens qu’il est à présent temps de digérer les excès du passé. Les instruments monétaires classiques comme les directives néo-keynésiennes de la dépense tous azimut ne ramèneront pas une croissance dont pourraient bénéficier les générations de demain et qui seule devrait compter aux yeux de celles et ceux qui nous dirigent. Les remèdes traditionnels sont condamnés à l’échec et seule une approche directe – ainsi que du temps – sont susceptibles de soulager nos économies moribondes. Le remboursement des dettes puis le retour de l’épargne sont en effet la substance même de l’investissement de demain et de la croissance stable.