Pour l’Espagne, il y aura une vie après l’Euro

juin 1, 2012 0 Par Michel Santi

L’intensité de la crise européenne franchit un degré supplémentaire, ultime devrait-on dire. Les marchés financiers subiront très prochainement un décrochage violent et incontrôlé, non du fait de la crise grecque qui s’enlise depuis plus de deux ans, pas à cause des prochaines élections dans ce pays, ni même à cause de l’incompétence et des tergiversations de la quasi-totalité des dirigeants européens … Le « Grexit », de plus en plus anticipé par les marchés et que j’annonce depuis plus d’une année sera quantité négligeable face à ce qui nous attend : le « Spexit », c’est-à-dire la sortie espagnole de l’Euro !

 

En effet, alors que le milieu de la finance a d’ores et déjà plus ou moins escompté la sortie grecque, alors qu’un géant comme Citigroup la prévoit pour Janvier 2013, alors qu’un tel évènement absolument sans précédent (la sortie d’un pays membre d’une union monétaire) provoquera un choc où le P.I.B. de l’ensemble des nations de l’Union chutera de 4 à 5%, alors que cette secousse sera comparable à la faillite de Lehman Brothers à l’automne 2008… l’été 2012 ne se passera pas sans des répliques espagnoles dont l’amplitude exerceront sur l’Union des ravages autrement plus dévastateurs que ceux produits par la pauvre petite Grèce. La fuite des capitaux hors de l’Espagne est ainsi le sujet brûlant de l’actualité et l’amuse-bouche grec cèdera bientôt la place au plat de résistance que nous servira la cinquième économie européenne et douzième mondiale.

 

L’Union pourra toujours sauver la Grèce dont l’économie ne « vaut » que 220 à 240 milliards d’Euros, elle serait quasi éternellement en mesure d’y injecter 10% de son P.I.B. afin de la soutenir. Mais elle en sera incapable vis-à-vis de l’Espagne. Car l’Espagne est tout bonnement trop massive pour être sauvée ! Les statistiques sont effectivement d’une tout autre ampleur. L’établissement financier et troisième banque nationale qui vient d’être nationalisée, Bankia, a un besoin vital d’un minimum de 20 milliards d’Euros tandis que la première banque du pays, Banco Santander, vient d’être dégradée par Moody’s en même temps que seize autres. L’immense région catalane a tout récemment appelé au secours le gouvernement de Madrid afin de payer ses dettes. Le chômage à 25%, les ventes de détail qui plongent de 10% en une année, la récession qui s’installe et qui devrait s’accentuer, la bourse de Madrid qui a perdu plus de la moitié de sa capitalisation depuis 2007. Et l’Espagne qui doit aujourd’hui se financer sur les marchés au taux fatidique de 7%, celui-là même ayant déclenché les aides d’urgence européennes envers l’Irlande et la Grèce. Nul pays ne peut en effet survivre en s’acquittant d’un intérêt de 7% sur sa dette.

 

En dépit des allégations du chef de l’exécutif espagnol, Mariano Rajoy, qui assure que son pays s’en sortira seul et malgré des turbulences bancaires risquant d’effondrer à leur passage ce qui reste d’activité économique. Car l’Espagne ne fera pas exception à une règle qui veut qu’une implosion d’une bulle immobilière soit toujours suivie par une violente crise bancaire. En toute logique. Pourtant, les prescriptions de Docteur Merkel restent invariables: austérité, économies budgétaires, augmentation du chômage, baisse des salaires et ce jusqu’à ce que la compétitivité soit supposée refaire son apparition. Après les grecs, après les irlandais, après les portugais, après les italiens… avec le succès que l’on sait, il n’est cependant pas sûr que les espagnols obtempèrent.

 

Et là peut être le sens de l’attitude de Rajoy. Après tout, l’Espagne bénéficie d’une économie digne de ce nom, d’une industrie ayant fait ses preuves dont les exportations vers la France, vers l’Italie et même vers la Grande Bretagne constituent près d’un tiers de son P.I.B.. Les horizons espagnols dépassent largement du reste le cadre européen pour déborder et s’imposer à travers l’Amérique Centrale et du Sud et même parmi l’immense communauté hispanique des Etats-Unis. « Y a-t-il une vie après l’Euro et sans l’Euro » est en tout cas une question que posent de plus en plus – quotidiennement et publiquement désormais – l’élite des économistes, des experts et même des politiques de ce pays. Et voilà ce qui pourrait expliquer les certitudes de Rajoy, confiant que son pays ne tombera pas dans le même gouffre que la Grèce. Le retour d’une Peseta dont la forte dévaluation doperait une économie espagnole n’est plus un tabou.

 

Si la Grèce sera inéluctablement chassée de l’Euro, il est fort probable que l’Espagne ne décide unilatéralement et volontairement de le quitter.

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