Pour les allemands, c’est faites ce que je dis mais pas ce que j’ai fait!
Les Allemands se trompent grossièrement de diagnostic. Les raison profondes de la déliquescence européenne n’ont en effet strictement rien à voir avec le storytelling que l’on nous sert en boucle depuis des années et selon lequel un certain nombre de pays auraient vécu très au-dessus de leurs moyens. Sinon, l’Espagne – pour ne citer qu’elle – ne connaîtrait pas ses déboires actuels… elle qui a accumulé pendant des années les excédents budgétaires pendant que c’était l’Allemagne qui contrevenait aux règles européennes sur les déficits. Souvenons-nous de l’excédent budgétaire espagnol qui était de 1.9% du P.I.B. du pays en 2007 alors qu’il n’était que de 0.3% en Allemagne. Et de la dette publique qui se montait à 27% du P.I.B. espagnol en cette même année quand ce chiffre était de 50% en Allemagne ! La conflagration européenne n’est donc évidemment pas due à des nations irresponsables, dépensières ou indisciplinées. Les tourmentes de ceux qui sont qualifiés de manière méprisante de « PIIGS » proviennent entièrement des établissements financiers allemands et français qui ont vu en eux des poules aux œufs d’or.
A cet égard, les chiffres de la Banque des Règlements Internationaux sont éloquents. A fin 2009, l’ensemble des banques européennes avaient ainsi une exposition de 727 milliards de dollars envers l’Espagne, de 402 milliards envers l’Irlande, de 244 milliards envers le Portugal et de 206 milliards envers la Grèce. Les seules banques allemandes et françaises étaient engagées à hauteur de 958 milliards envers ces pays et leurs citoyens. Les rapports trimestriels 2010 de la B.R.I. nous révèlent également que la finance allemande et française avait à fin 2009 offert 61% de la totalité des prêts dont ces pays bénéficient ! Les banques de ces deux pays étant particulièrement engagées en Espagne qui était leur cagnotte privilégiée et à laquelle elles avaient prêtées 202 milliards et 248 milliards, respectivement pour les banques allemandes et françaises. Ce n’est donc pas une vague propension de ces nations du Sud à la paresse, à la triche ou à une consommation effrénée qui a provoqué la crise intense qui secoue aujourd’hui l’Union Européenne. Regardons plutôt du côté des établissements financiers du Nord qui y ont vu une aubaine en termes de nouveaux marchés et de profits juteux, au risque d’y créer des bulles du crédit comme celle de l’immobilier en Espagne dont l’implosion est la seule et unique raison des soucis de ce pays.
Alors : contrairement aux convictions allemandes promptes à vilipender les nations du « Club Med », le mode de vie des espagnol ou des grecs – qui devait bien évidemment être recadré – n’est pas aux racines d’une dislocation dont les vrais coupables sont des établissements financiers toujours et seulement préoccupés de gonfler leurs résultats. Dans la même logique, ce n’est certainement pas avec un taux de chômage qui se retrouve aujourd’hui à près de 25% en Espagne et qui dépasse les 50% chez ses jeunes que l’on impose une telle austérité. Le paradoxe est pourtant incontestable et tristement ironique : Voilà en effet l’Espagne qui avait en son temps respecté le Pacte de Stabilité qui se retrouve aujourd’hui profondément remise en question par une Allemagne incapable à l’époque de limiter ses propres déficits.
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Michel