Ponce Pilate était-il un cygne noir ?

Ponce Pilate était-il un cygne noir ?

octobre 27, 2011 0 Par Michel Santi

Comme le disait en Juin dernier Nassim Taleb, “le vrai cygne noir est que les gens ne manifestent pas contre les banques à Londres et à New York». Aussi, le mouvement des indignés et autres « Occupy Wall Street » n’est-il pas tout simplement entré dans le catégorie des « Black Swan » parce qu’il avait été prévu par Taleb et par quelques autres analystes clairvoyants. En fait, ce qualificatif judicieux de cygne noir – attribué depuis à toutes sortes d’évènements imprévus – est aujourd’hui galvaudé tant il sert de prétexte, voire de justification, à la paresse et à la négligence intellectuelles. Alors qu’elle était initialement censée décrire des occurrences  exceptionnelles face auxquelles toute préparation était vaine, cette appellation fut progressivement vidée de sa symbolique percutante pour devenir une décharge et un blanc seing accordés à toute la chaîne des responsables ayant failli à leurs obligations de prévoyance. C’est ainsi que le tremblement de terre en Haïti, la marée noire dans le Golfe du Mexique, l’éruption volcanique islandaise, le tsunami au Japon du mois de Mars dernier, voire le “flash crash” de Wall Street en 2010 ainsi que la perte par les Etats-Unis de leur AAA furent considérés comme autant de cygnes noirs. Ce terme est donc de nos jours devenu tout bonnement trivial tant et si bien que certains prétendent déceler des plumes jusque dans la crise de la dette souveraine européenne…

 

De fait, Wall Street et ses brillants ingénieurs financiers cherchent à faire de l’argent grâce à ces « Black Swans ». C’est ainsi que des fonds de placement y furent lancés au début de cette année 2011 afin de parier – et de gagner ! – sur des évènements et des catastrophes ayant une probabilité infinitésimale de se produire. L’engouement pour ces instruments appelant l’Armageddon de leurs vœux fut tel qu’ils parvinrent à lever 40 milliards de dollars ! La conjoncture économique et financière se rétablira progressivement en cet automne 2011 : Pour autant, cette amélioration ne sera en rien redevable à des réformes financières ou à une intensification de la règlementation. Non, elle s’opèrera uniquement à la faveur des garanties octroyées à l’aide de l’argent des contribuables et ceci constitue en soi un scandale, voire une offense, vis-à-vis du citoyen moyen ayant souffert de la crise depuis 2007. En effet, les responsables de cette crise tireront leur épingle du jeu en invoquant des cygnes noirs. Ils ne rendront nul compte de leurs méfaits – ou au minimum de leurs négligences – et s’en laveront les mains en invoquant des occurrences exceptionnelles et imprévisibles. Préparons-nous au grand come back du « business us usual ».