Pas de démocratie sociale sans un Etat fort

Pas de démocratie sociale sans un Etat fort

octobre 29, 2012 0 Par Michel Santi

Keynes fut un des promoteurs d’une démocratie sociale érigée sur un pilier fondamental, à savoir le plein emploi. Il partait bien-sûr du principe que seul le capitalisme permettait de garantir les libertés individuelles, l’initiative privée et la liberté d’entreprendre. Ce qui ne l’empêchait pas de dénoncer les failles d’un tel système promoteur de dérégulation, elle-même génératrice d’anomalies intolérables dans toute société civilisée.  A cet effet, reprenons sa « Théorie Générale » où il affirmait (en traduction libre) que « les fautes majeures de la société économique où l’on vit sont de ne pas procurer le plein emploi et consistent en une redistribution arbitraire et inéquitable de la richesse et des revenus ».  Comment assurer ce plein emploi et cette équité au niveau de la répartition des ressources si ce n’est à travers l’intervention active de l’Etat, et alors qu’il ne faut évidemment pas compter avec la charité du secteur privé ? Voilà pourquoi les partisans du keynésianisme sont aussi pour un renforcement des pouvoirs et prérogatives de l’Etat, dont l’action seule est susceptible de lisser les inégalités criantes, tout en imposant une régulation protectrice des intérêts publics.

Il n’est cependant pas question de revenir aux enseignements de Ricardo et de Marx qui prétendaient que le système capitaliste réalise ses profits en maintenant en permanence une « armée de réserve de chômeurs ».  Leur concept présentait effectivement une tare congénitale voulant que cette armée de sans emplois disparaîtrait dès lors que la notion même de profits serait éradiquée. Keynes, pour sa part, a démontré que le chômage durable était causé, non par la quête du profit, mais par un investissement privé variable et volatil en des temps incertains. Comme c’est la chute de cet investissement privé – ou l‘investissement à mauvais escient – qui est aux sources des ralentissements économiques et de l’escalade du chômage, il est impératif de « socialiser » cet investissement. Pour ce faire, les entreprises – comme l’Etat qui est lui-même employeur – doivent assurer à leurs salariés du pouvoir d’achat autorisant en permanence un investissement privé, garant du plein emploi. Le préalable incontournable à cette socialisation de l’investissement étant une redistribution des revenus qui serait aux fondements de ce plein emploi. Dans la vision de Keynes, le secteur public se devait donc d’agir en complément du secteur privé, sans jamais chercher à le remplacer.

Aujourd’hui, soit soixante-dix ans plus tard, l’égalité et l’emploi sont toujours – et plus que jamais – au cœur des préoccupations de nos nations développées. Même si la ligne de front s’est notablement déplacée. En effet, tandis que les protagonistes de l’époque de Keynes étaient les détenteurs de l’appareil de production – c’est-à-dire les industriels – et dans une moindre mesure les rentiers. C’est actuellement le pouvoir de la finance – issu de la globalisation – qui rogne les libertés individuelles, tout en multipliant déséquilibres et inégalités. Cette finance dont la seule et unique priorité est de maximiser ses profits au lieu d’investir dans l’économie, dans ses outils de production et dans ses emplois. Cette finance qui use de toutes ses ressources afin de faire tomber les barrières, de décimer les régulations et d’opérer des concentrations afin de lutter d’égal à égal avec les Etats. Dans un tel contexte, une fois de plus, seule l’action de la puissance publique est capable de réguler, de lisser et de combler des lacunes, alors qu’il est impossible de compter sur le secteur privé, dont ce n’est pas le rôle du reste.

La contribution fondamentale de Keynes à la démocratie réside donc dans cette vision de l’Etat comme protecteur du bien public et comme régulateur suprême de l’activité du secteur privé et des forces du marché. Pour atteindre ces objectifs, l’Etat devra donc limiter tout à la fois le pouvoir que les profits de cette finance.

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