Ne m’appelez plus jamais « Plaza » !
Je n’avais pas encore démarré ma carrière dans les salles de marchés mais mon apprentissage de la finance (commencé en 1986) en fut en quelques sortes bercé… Je parle bien-sûr des fameux accords dits “du Plaza” ayant été conclus en Septembre 1985 par les jadis tout puissants membres du G-7! Notamment représenté par les Américains James Baker et Paul Volcker ainsi que par le français Pierre Bérégovoy, ce cénacle avait décidé de combattre les déséquilibres mondiaux en utilisant l’arme des interventions massives sur le marché des Changes. Pour les observateurs familiers des styles ampoulés et nébuleux des communiqués du G-7, la déclaration finale produite à l’issue de ces réunions ayant eu lieu en l’hôtel Plaza de New York furent limpides, voire exhortaient les marchés à agir en conséquence.
En effet, ce communiqué constatait “la détérioration de la balance commerciale US suite à sa période de croissance rapide” tout en faisant état de “l’impact important sur sa balance des paiements” et “de la difficulté à accéder à certains marchés du fait de l’appréciation du dollar”. En conclusion, “les Ministres et Gouverneurs” tombèrent d’accord sur le fait que “les cours des devises devaient jouer un rôle dans la correction de ces déséquilibres” impliquant “une appréciation ordonnée des monnaies vis-à-vis du dollar” tout en “coopérant étroitement” afin d’y parvenir… Ces quelques lignes furent donc pour les marchés comme un électrochoc ou, pour être concret, leur donnèrent toute latitude pour déprécier en toute impunité le billet vert! Plus prosaïquement, la politique de lutte contre l’inflation mise en place par Volcker et consistant à faire usage à outrance des Fed Funds s’était soldée par un raffermissement notable du dollar pénalisant très fortement leur balance commerciale vis-à-vis du Japon.
De fait, les accords du Plaza portèrent tous leurs fruits à ce point de vue puisque le dollar devait s’effondrer contre Yen de 240 à 120 en deux ans! Pour autant, les exportations nippones ne déclinèrent pas vers les Etats-Unis qui demeurèrent une nation débitrice… Quant aux conséquences pour le Japon, elles furent proprement catastrophiques puisqu’il continue encore aujourd’hui à en payer le prix. N’ayant ainsi d’autre choix que de maintenir une politique monétaire laxiste (c’est-à-dire des taux d’intérêts bas) afin de freiner l’appréciation de sa monnaie, le pays subit une montée progressive d’une bulle immobilière accompagnée de multiples flambées spéculatives dues à cet afflux de liquidités qui se soldèrent par un crack généralisé toujours pas digéré à ce jour…
Les similitudes sont frappantes entre les relations commerciales US/Japon des années 80 et les tribulations sino-américaines actuelles. Le déficit US vis-à-vis du Japon ayant été de l’ordre de 1.1% du P.I.B. Américain à l’époque, le déséquilibre commercial US envers la Chine se monte aujourd’hui à 1.6% de leur P.I.B.. La rhétorique protectionniste américaine monte en outre en puissance de nos jours tout comme le sont les tentations US de manipuler le cours de leur monnaie afin de contrer la Chine. Dans ce contexte, que doit-on attendre du prochain sommet du G-20 qui se tiendra le 12 Novembre prochain en Corée? Les Etats-Unis espèrent-ils réitérer leur exploit du Plaza, accélérer la dépréciation du dollar afin d’une part de se tirer de la crise via un boom de leurs exportations tout en lésant par ailleurs les intérêts des étrangers porteurs de la dette américaine qui seront immanquablement sinistrés par cette chute du billet vert…?
Ce serait compter sans la détermination de la Chine qui n’a vraiment pas la docilité du Japon des années 80!
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