L’Union Européenne des austérités
L’intervention tout aussi concertée qu’inédite des banques centrales en fin de semaine dernière a certes été applaudie par les marchés et a certes mis en évidence la détermination des gouvernements occidentaux. Elle reflète également l’extrême gravité de la situation financière de notre continent et de son système bancaire ainsi mis officiellement sous perfusion. Une conflagration était effectivement imminente, avec ou même sans défaut de paiement italien ! Pour spectaculaire qu’elle soit, cette entrée des banques centrales (y compris de la Réserve Fédérale U.S.) dans l’arène ne traite pourtant le mal qu’en surface sachant que c’est le sommet européen du 9 Décembre qui devra impérativement s’en prendre aux racines. Il devrait en effet accoucher d’une certaine union fiscale à même de coordonner les budgets nationaux des pays membres et permettant la centralisation des problématiques liées à la dépense publique. En réalité, il semble plus vraisemblable que les seules décisions concrètes émanant de ce sommet crucial se résumeront à des exhortations allemandes à encore plus de rigueur, à des coupes budgétaires et à des hausses d’impôts…
Comment expliquer une fois pour toutes à l’AIlemagne que l’accent mis exclusivement sur l’assainissement des comptes publics résultera en une aggravation irrémédiable de la situation ? L’Euro ne survivra pas au tout-austérité dicté par l’Allemagne. Dans un contexte où les grands pays aujourd’hui infectés (comme l’Italie) ne recevront pas de soutien financier proportionnel à celui prodigué à la Grèce, au Portugal ou à l’Irlande, l’Allemagne (qui tient la BCE d’une main de fer) s’entête encore et toujours à imposer une rigueur financière généralisée. Pourtant, comment lui faire comprendre que de la discipline fiscale et rien que de la discipline fiscale finira par assécher définitivement toute perspective de redressement économique dans une Union qui n’aura lors d’autre choix que la scission pour la survie de ses diverses nations ?
D’une part, il est impossible à la majorité de ces pays touchés par la crise de rentrer dans les clous de l’orthodoxie en un temps si court. La France elle-même, numéro 2 européen, n’a plus connu d’excédent budgétaire depuis 1974 ! Par ailleurs, cette austérité étouffe la très maigre croissance qui semblait se manifester au sein même des nations européennes périphériques comme l’Espagne ou le Portugal qui ont récemment dû revoir en baisse leurs prévisions pour cette année. Sans même évoquer la Grèce qui a déjà fait naufrage du fait d’une contraction supérieure à 5%… Un retour aux équilibres budgétaires est donc irréalisable sans le moteur de la croissance sachant qu’il est impensable d’imposer davantage de rigueur dans un contexte de croissance européenne prévue par l’OCDE à 0.2% en 2012 ! Sans redémarrage économique, la masse des endettements à purger sera en effet condamnée à s’amplifier, contraignant ainsi à encore plus d’économies qui, à leur tour, étoufferont toujours plus la croissance…
L’Europe est donc emmurée dans une conjoncture contradictoire où elle se doit d’un côté de contrôler ses déficits alors même que l’imposition d’une discipline fiscale démesurée pèsera davantage sur son P.I.B.. La pilule sera amère à avaler pour l’Allemagne mais la seule et unique manière de briser ce cercle vicieux sera d’autoriser la BCE à imprimer de la monnaie.
Chers lecteurs,
Voilà plus de 15 ans que je tiens ce blog avec assiduité et passion. Vous avez apprécié au fil des années mes analyses et mes prises de position souvent avant-gardistes, parfois provocatrices, toujours sincères. Nous formons une communauté qui a souvent eu raison trop tôt, qui peut néanmoins se targuer d'avoir souvent eu raison tout court. Comme vous le savez, ce travail a - et continuera - de rester bénévole, accessible à toutes et à tous. Pour celles et ceux qui souhaiteraient me faire un don, ponctuel ou récurrent, je mets néanmoins à disposition cette plateforme de paiement. J'apprécierais énormément vos contributions pécuniaires et je tiens à remercier d'ores et déjà et de tout cœur toutes celles et tous ceux qui se décideront à franchir le pas de me faire une donation que j'aime à qualifier d'«intellectuelle».
Bien sincèrement,
Michel