
L’Allemagne prête à la faillite grecque
A l’unisson, les dirigeants nationaux européens, les technocrates de haut rang en place à Bruxelles comme les instances du F.M.I. n’ont de cesse de clamer qu’ils n’abandonneront pas la Grèce à son sort. Pourtant, un pays – l’Allemagne – se prépare calmement et discrètement au défaut grec. Un schisme existe certes au sein du gouvernement allemand entre les tenants du maintien grec dans la zone Euro comme la Chancelière Merkel et entre les partisans du défaut de ce pays comme son Ministre des Finances Schauble. La banque d’affaires Goldman Sachs n’a-t-elle pas tout récemment noté dans un de ces rapports qu’ »une dissension grandissante existait à propos de la Grèce » entre ces deux responsables allemands éminents ? De fait, l’Allemagne est aujourd’hui plus ou moins prête à la faillite grecque qu’elle a préparé en profondeur et jusque dans les détails, contrairement aux déclarations de façade émises par son gouvernement. Ainsi, en dépit de la prochaine tranche allouée à la Grèce ces jours derniers (par l’Union et par le F.M.I.) censée encourager le gouvernement grec dans la remise en ordre de ses finances publiques, Schauble et consorts tentent de leur côté de persuader certains responsables grecs de négocier avec leurs créanciers des défauts très substantiels, ce qui reviendrait à se déclarer de facto en banqueroute. Pour Schauble, la question n’est effectivement pas si mais plutôt quand la Grèce fera faillite!
Ces certitudes ne sont cependant toujours pas partagées par Madame Merkel qui est pour sa part toujours déterminée à éviter l’effondrement de la Grèce, bien consciente – et avec raison – qu’il enverrait des chocs violents et potentiellement dévastateurs en direction notamment de l’Espagne et de l’Italie. Ces menaces bien réelles de décomposition planant sur l’Union dans l’hypothèse de la faillite grecque semblent néanmoins intégrées – ou minimisées ? – auprès de trois des quatre nations européennes encore AAA, à savoir l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande qui estiment que – tous comptes faits – un tel défaut ne représenterait pas une catastrophe insurmontable. C’est ainsi qu’Alexander Stubb, Ministre finlandais chargé des affaires européennes vient de reconnaître dans le Financial Times que “l’Europe (y) est bien mieux préparée que l’an dernier » et qu’elle avait « pris les mesures nécessaires » à cet effet… Par ailleurs, un autre pays se tient tout autant prêt à cette faillite jugée inévitable : la Grèce elle-même.
Un défaut en bonne et due forme de la Grèce échapperait pourtant très vite à tout contrôle et forcerait inexorablement à une sortie à court terme de l’Union de ce pays qui se mettrait en violation d’un certain nombre de directives en imposant un contrôle des changes, voire en fermant ses frontières à toute sortie de capitaux, afin de tenter de redresser sa situation par des moyens conventionnels. En effet, envers et contre les partisans – et les artisans – d’une telle banqueroute qui partent du principe selon lequel une drachme fortement dévaluée rendrait quasi instantanément à la Grèce sa compétitivité… la Grèce n’est pas l’Argentine. Les exportations grecques sont en effet insignifiantes sachant que l’agriculture de ce pays n’est même pas en mesure de nourrir sa propre population. Les coûts et frais de fonctionnement de l’écrasante majorité de ses entreprises – largement dépendantes de leurs importations – seraient en outre condamnés à exploser.
Des gens comme Schäuble ont pourtant aujourd’hui – enfin – compris qu’il n’était pas plus réaliste que humain d’exiger de la Grèce une telle austérité. La violence et la stupeur déclenchées dans ce pays lors de l’adoption du dernier plan d’économies draconiennes perçues comme un coup de grâce pour bien des citoyens grecs, l’impossibilité pour une nation de se voir ainsi mise sous une tutelle – ou sous une botte? – aussi humiliante semblent actuellement intégrées auprès d’un certain nombre de pays du Nord. Pour autant, ces derniers sont une fois de plus à l’orée de prendre les mauvaises décisions qui consistent à laisser la Grèce à sa faillite. Alors que, en réalité, seule la solidarité européenne constitue le vrai remède de sortie de crise, pour la Grèce mais également pour l’ensemble de l’Union.
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