Voilà, c’est fait : l’accord qui devrait permettre à la Grèce d’éviter (selon la majorité des analystes et des dirigeants européens) le défaut de paiement en Mars prochain est entériné, non sans une soirée d’émeutes d’une population meurtie et abandonnée à son sort. Le plan exigé par l’Union et par le F.M.I. a donc obtenu l’accord « unanime » du Gouvernement grec qui persévèrera ainsi dans la destruction de son économie sous le poids de l’austérité qui lui est dictée.
Toujours est-il que l’arrangement consenti à ce pays constitue un précédent que d’autres nations fragilisées – après la Grèce – n’hésiteront pas à faire valoir. En effet et en dépit des affirmations selon lesquelles les conditions octroyées à la Grèce seraient une « exception », il va de soi que leur conjoncture économique désastreuse ponctuée de croissance inexistante et d’un chômage à deux chiffres amèneront tout naturellement le Portugal, l’Espagne ou l’Italie à exiger l’obtention de conditions équivalentes. Car cet accord grec crédibilise davantage – tout en le rapprochant – le scénario du défaut de paiement des autres nations sinistrées. Comment ? En accélérant la fuite des capitaux hors de ces pays qui devront dès lors s’acquitter de taux d’intérêts toujours supérieurs sur leurs financements. Pourquoi, en effet, les investisseurs continueraient-ils à faire confiance à des pays qui se retrouveront fatalement un jour ou l’autre dans la situation de la Grèce, c’est-à-dire à contraindre leurs créditeurs de passer par Pertes & Profits une partie de leurs prêts ? Cet accord grec pousse donc littéralement un pays comme l’Italie dans une spirale où elle croulera sous le poids d’un coût de financement de sa dette rendu insupportable par des marchés parfaitement conscients qu’ils devront un jour prochain prendre des pertes sur leurs investissements dans la dette italienne. Pourquoi les créanciers ne seraient-ils effectivement pas contraints de faire ce cadeau forcé à l’Italie sachant qu’ils viennent de le faire à la Grèce ? Les syndicats portugais ne viennent-ils du reste pas d’exiger de leur gouvernement qu’il renégocie sa dette avec ses créanciers ?
Cette mécanique infernale fera donc monter graduellement les enchères de marchés qui exigeront des taux toujours plus élevés en contrepartie de cette menace de restructuration des dettes brandies par des nations qui voudront de manière bien compréhensible se mettre dans les pas de la Grèce. Pendant ce temps, que fait la BCE, elle qui serait en mesure de rassurer ces mêmes investisseurs en leur garantissant leurs prêts consentis en faveur du Portugal ou de l’Italie ? Elle est tétanisée par l’Allemagne dont la seule ambition semble d’imposer une rigueur généralisée et qui se préoccupe bien peu de l’explosion des frais de financement de cette Europe périphérique, frais qui pourraient néanmoins être maintenus à des niveaux réalistes dans l’hypothèse de ce cautionnement émis par la BCE. Cette farce européenne se transforme pourtant en tragédie car cet accord dont sont si fiers le F.M.I. et l’Union et qui a emporté l’adhésion du Gouvernement grec inclut une baisse de 20% du salaire minimum, une réduction supplémentaire des fonctionnaires, le tout dans un contexte de P.I.B. qui se contractera de 5% en 2012. Résultat ? Une austérité d’une telle ampleur garantit une certaine forme de défaut de paiement. Cet accord trouvé vendredi dernier rend donc cette faillite inéluctable en l’absence de tout mécanisme autorisant de relancer un minimum de croissance : comment les grecs seraient-ils bien en mesure de régler les intérêts de leurs dettes – même si celle-ci est moindre ! – sans redémarrage de leur économie ? Il est effectivement impossible de diminuer le fardeau de sa dette dans un contexte où l’économie se contracte à de tels rythmes et à une telle ampleur.
A moins que cette déflation ne soit imposée à ces nations précisément dans l’objectif d’y précipiter une cascade de défauts de paiement ? Les dirigeants de l’Union ne semblent-ils pas s’ingénier (involontairement bien-sûr) à imposer une déflation généralisée qui débouchera immanquablement sur la banqueroute de nombre de ces Etats en situation périlleuse ?