Envolée des prix pétroliers: entre spéculation et manipulation

mars 15, 2012 0 Par Michel Santi

La résurgence des tensions avec l’Iran et la menace imminente d’une guerre avec Israël sont bien-sûr derrière la flambée de plus de 30% des tarifs pétroliers depuis Octobre 2011, date où le prix du baril était brièvement passé en-dessous de 100 dollars. La production iranienne a certes chuté de 3,5 millions de barils par jour l’an dernier à 2,2 millions aujourd’hui. En outre, l’Agence internationale de l’énergie table-t-elle par ailleurs sur une chute supplémentaire de cette production iranienne jusqu’à environ 1 million de barils par jour d’ici l’été prochain et ce sous le poids des sanctions internationales. Il n’en reste pas moins qu’une bonne moitié de cette envolée des prix du pétrole est due à la fièvre spéculative, l’autre moitié étant imputable aux fluctuations relatives à l’offre et à la demande. C’est, autrement dit, des facteurs non commerciaux qui contribuent substantiellement à l’érosion du pouvoir d’achat du consommateur qui se prépare à devoir payer 2 Euros pour son litre d’essence un jour prochain.

En effet, les paris des spéculateurs et des gérants de portefeuille les ont conduits à acheter depuis Octobre dernier 370 millions de barils sous forme de contrats (« futures ») sur les principales places boursières internationales, dont le « Chicago Board of Trade » qui se taille de loin la part la plus importante. C’est donc des acquisitions entièrement virtuelles – dans le sens où nulle livraison physique de brut n’est prévue – qui pénalisent nos industries et nos porte monnaies et qui constituent aujourd’hui près de 640’000 contrats futures représentant ainsi 640 millions de barils de pétrole ! Les « investisseurs » – comme il est de bon ton de les présenter en langage châtié – sont donc les heureux propriétaires de près de dix mois de production de pétrole iranien et ce avant que le moindre coup de feu n’ait été tiré dans le cadre d’un conflit qui n’aura peut-être même pas lieu !

On le constate : les spéculateurs ont tout misé sur l’avènement de cette guerre. Le poids financier de leurs paris fera-t-il pencher la balance en faveur de la conflagration ? Y a-t-il, en d’autres termes, des intérêts communs et partagés entre cette spéculation et certains décideurs politiques ? Car les fondamentaux ne justifient nullement cette bulle des tarifs actuels qui se dégonflerait immédiatement en cas d’accalmie des tensions géopolitiques. Et pour cause : les Etats-Unis, premier consommateur de brut au monde, voient leur demande se tasser à des niveaux plus vus depuis 15 ans sachant que la croissance chinoise devrait de son côté revenir aux chiffres de 2004. Les prix du pétrole sont donc presque entièrement tributaires des développements et bien-sûr des multiples intérêts – financiers et stratégiques – liés au contexte iranien. A cet égard, ce pays, qui se retrouve aujourd’hui acculé, ne manque pourtant pas d’amis et d’alliés.

Les sanctions commencent certes à avoir un sérieux impact sur son secteur énergétique, sur ses ports, sur son secteur bancaire, bref sur son économie qui commence à en ressentir les effets avec sa monnaie -le Rial- qui a perdu la moitié de sa valeur depuis Septembre dernier. Pour autant, le régime iranien actuel et son meilleur ami – à savoir la Russie de Putin – sont engagés dans un « partenariat stratégique » où sont ainsi ligués les deux plus importants exportateurs gaziers au monde. Pour le meilleur, la Russie mise sur le succès du secteur énergétique iranien et ce par le truchement de Gazprom qui ne recule jamais à user de l’arme politique pour défendre ses intérêts, pour marquer son territoire et pour étendre son influence. Alors qu’il est imminent que la partie de bluff iranienne semble devoir se terminer, ne doutons pas que les intérêts de ce pays conjugués aux ambitions russes ne se traduisent par une flambée supplémentaire des prix pétroliers. D’une part, Téhéran n’hésitera pas à jouer à fond cette carte pour faire pression sur un Occident dont la timide reprise économique serait inéluctablement sapée par le renchérissement des tarifs énergétiques. Opportunité qui permettrait d’autre part aux dirigeants russes de faire une démonstration de force de plus.

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