Ceci n’est pas un cygne noir

octobre 6, 2012 0 Par Michel Santi

Oublions tout ce qui a été dit sur les 1% et sur les 99% restants! Car, de nos jours et quoiqu’on en dise, la ligne de fracture la plus choquante n’est pas entre les plus riches et les autres. Elle est plutôt entre celles et ceux qui vivent dans le déni et ceux qui ont compris l’extrême gravité de la crise que l’on traverse. Sachant que le terme de « traverser » n’est certainement pas le bon car il implique une notion de passage vers un après-crise – or rien ne permet aujourd’hui de conclure présomptueusement que la crise tire à sa fin. Elle est donc là, cette ligne de démarcation idéologique entre ceux qui sont conscients que notre monde doit radicalement changer, et ceux qui sont sûrs – et qui tentent de se persuader – que demain sera comme hier. La vraie ligne de fracture réside donc aujourd’hui entre ceux qui ont un cancer en phase terminale, qui veulent le savoir pour l’affronter et pour se préparer à l’inéluctable, et ceux qui préfèrent l’ignorer. Si ce n’est que, dans la vraie vie, celles et ceux qui vivent et qui sont aujourd’hui confortables dans leur déni ne font qu’aggraver la situation. Car cette attitude de déni freine l’ensemble de la société et l’empêche de trouver des solutions alternatives. Ces négationnistes d’un nouveau genre représentent ainsi un poids mort pour l’ensemble de la société, qui se retrouve paralysée par leur négation de la réalité.

 

De cette vérité qui frémit lorsque les déclarations solennelles selon lesquelles « l’euro est irréversible » ne sont accompagnées de nul acte tangible. De ce ridicule morbide où d’autres s’enlisent lorsqu’ils affirment que la crise s’éloigne. Car il est impératif d’assumer cette crise aigüe, voire de l’embrasser, car le monde, comme l’être humain, ne peuvent réellement changer et s’améliorer que dès lors qu’une grave crise les menacent. Nous avons gagné du temps grâce à la bulle des valeurs technologiques (ayant implosé en 2000), nous en avons rogné encore un peu plus grâce à la bulle immobilière (jusqu’en 2007). Un troisième miracle n’aura pas lieu aujourd’hui. Toute la propagande comme toutes les assurances prodiguées par les politiques ou par la haute finance n’y pourront plus rien. Les élites ne parviendront pas à raccommoder la toile, ni à colmater les brèches, pas plus à continuer à anesthésier les 99%, qui se sont rendus compte de l’escroquerie mentale qui leur était servie depuis de longues années. Après quatre ans de crise intense – de crises intenses -, la machine ne se meut toujours et le navire ne vogue encore que dans les cerveaux de ceux qui sont encore convaincus que nous ne faisons que passer à travers une zone de turbulence, par définition temporaire.

 

Car nous n’avons pas fait que perdre prosaïquement du pouvoir d’achat, ou subi une accélération du chômage. L’épisode présent – ou l’épilogue – se décline en effet en mensonges et en perte de légitimité progressive – mais inéluctable – de ceux qui sont en charge de nos destinées. Et pendant ce temps, les passagers du Titanic continuent de festoyer en intensifiant l’effet de levier, en complexifiant toujours plus les produits dérivés financiers, en faisant davantage appel aux ordinateurs qui décident désormais seuls d’une multitude de transactions boursières. Pendant que les vraies valeurs disparaissent, les 1% dansent avec allégresse et se complaisent à exacerber la fragilité et la vulnérabilité du système, d’un système qui n’est plus qu’illusion. Et qui est illusoire car construit sur des actifs en trompe l’œil et sur de la richesse fantasmagorique. Ne craignons pas la crise, assumons-là au contraire. Car seule une reconnaissance sans équivoque de sa gravité nous permettra d’évacuer les mensonges et les demi-mesures afin d’affronter enfin les inévitables bouleversements à venir. Comprenons-le une fois pour toutes : ceci n’est pas un cygne noir, c’est le champ du cygne!

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