Barbare ou civilisé, l’étalon or n’est qu’une relique !

Barbare ou civilisé, l’étalon or n’est qu’une relique !

septembre 6, 2012 0 Par Michel Santi

Parvenu aux commandes du pouvoir aux Etats-Unis, le Parti Républicain compte donc créer une commission afin de restaurer le lien entre l’or et le dollar. Une mise au point s’impose toutefois dans ce qui risque de se transformer en un combat d’arrière garde – totalement rétrograde – contre des pressions inflationnistes inexistantes. Si l’étalon or devait être rétabli aux Etats-Unis, la Réserve Fédérale devrait définir un cours de convertibilité du dollar contre l’or, c’est-à-dire fixer qu’une once de métal jaune soit échangeable contre une certaine quantité de dollars. Pourtant, comment et en vertu de quels critères devrait s’opérer cette définition alors que les prix de l’or ont fluctué entre 300 et 1’900 dollars l’once ces dix dernières années ? La Fed risque donc d’être inondée d’or si ce cours de conversion est trop élevé. A l’inverse, elle subira une ruée vers l’or si le cours de convertibilité de l’or vis-à-vis du billet est fixé trop bas. Quoiqu’il en soit, et à supposer que cette convertibilité soit définie de manière opportune et donc selon les critères du marché prévalant au moment de cette décision, les fluctuations et la volatilité inhérentes aux prix de l’or auront tôt fait de rendre caduc ce cours de convertibilité.

 

De fait, l’Histoire a largement démontré que tous les systèmes d’étalon or étaient voués à l’échec. Le plus flagrant – et qui n’est même contesté par ses plus fervents adeptes – étant celui de la Grande Dépression ayant été – sinon induite – en tout cas indiscutablement aggravée et rallongée par l’étalon or prévalant au sein des nations occidentales industrialisées à l’époque. Cette corrélation à l’or devait en effet agir comme un carcan, contraignant les autorités monétaires à conserver des taux d’intérêt élevés censés maintenir le cours de convertibilité de l’or par rapport au dollar, quand le contexte de crise exigeait une réduction immédiate des taux pour relancer l’activité. C’est ainsi que la Réserve Fédérale de 2007 et de 2008 aurait été contrainte de monter ses taux d’intérêt (au lieu de les réduire agressivement comme elle l’a fait) aux lendemains de la crise des subprimes si le régime de l’étalon or avait été en vigueur ! Est-il nécessaire de faire des simulations sur les conséquences dévastatrices pour l’économie américaine – et mondiale – d’une telle remontée des taux en pleine implosion du marché immobilier ou à l’orée de la faillite de Lehman Brothers ?

 

La crise européenne constitue par ailleurs le cas d’école ultime attestant sans équivoque qu’un pays (ou un bloc régional) exacerbe ses vulnérabilités dès lors qu’il lie son destin économique aux cours de l’or définis par les marchés, ou qu’il renonce à exercer un quelconque contrôle sur sa propre devise. Les dix-sept membres de l’Union Européenne n’ont certes pas lié leurs monnaies respectives à l’or, elles l’ont indexé à l’euro qui agit, de facto, à la manière d’un étalon. Ayant bien fonctionné pendant dix années ponctuées de croissance correcte et d’accidents financiers mineurs, l’ » étalon-euro » devait dévoiler ses faiblesses structurelles à la faveur des déboires budgétaires grecs, de l’implosion des bulles spéculatives irlandaise et espagnole ou d’une politique économique italienne indigne de ce nom… Impossible pour ces nations fragilisées de mener une politique dite « expansionniste » afin de relancer leur économie, soit en dévaluant leur monnaie (qui était donc fixée à l’euro), soit en réduisant leurs taux d’intérêt (qui échappaient totalement à leur contrôle parce que du seul ressort de la Banque centrale européenne). Il était évident qu’un seul et même étalon (par définition totalement inflexible) qui rassemblait des pays – comme la Grèce et l’Allemagne – aux cycles et aux caractéristiques économiques tellement différents – voire antinomiques – était condamné à péricliter. Ou à étouffer un bloc au bénéfice d’un autre.

 

Bref, l’étalon or est un mythe, ou un phantasme. Un peu comme celui qui consiste à vouloir renouer avec une ex-petite amie au seul motif de certains bons souvenirs partagés, en dépit d’une vie commune dont on sait qu’elle sera impossible. Que les investisseurs et que les spéculateurs achètent et vendent l’or, c’est leur rôle. Mais est-il sérieux de lier le sort de nos monnaies nationales à l’or ? Ou, en d’autres termes, que notre nouvelle monnaie devienne l’or ? Le Parti Républicain US est certes une ligne de défense exemplaire et ultime en matière de conservatisme. Pour autant, être conservateur signifie-t-il et justifie-il le rétablissement d’une politique tombée en désuétude il y a près d’un siècle ?

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