A qui profitent les baisses de taux quantitatives ?

octobre 8, 2012 0 Par Michel Santi

Le troisième programme des baisses de taux quantitatives initié le mois dernier par la Réserve fédérale consistera à acheter pour environ 40 milliards de dollars par mois en bons du Trésor US et, ce, sans limite dans le temps. En outre, n’oublions pas que l’ »opération Twist» qui veut que cette même Fed dépense quelque 45 milliards de dollars par mois, et qui est appelée à se poursuivre jusqu’à la fin de cette année. Ces programmes d’injections de liquidités américains présidant à la création de centaines de milliards de dollars destinés aux marchés obligataires sont couplés aux mesures stimulatoires équivalentes de la Banque du Japon et de la BCE. Souvenons-nous par ailleurs du « QE 2 », ancêtre direct de l’actuel QE 3 et qui se montait, pour sa part, à 800 milliards de dollars. Quels enseignements en tirer pour les perspectives économiques fondamentales ?

A dire vrai, c’est aux établissements financiers qu’ont surtout profité les « QE 2 » en leur fournissant les munitions nécessaires pour intensifier la spéculation sur les taux d’intérêts et sur les monnaies. La majeure partie de ces 800 milliards de dollars fut en effet mise à profit afin d’emprunter à taux infime à la Fed – soit à 0.25% – pour prêter à des pays émergents, comme le Brésil ou l’Inde, à … 11% ! Bénéfices tout aussi faciles que substantiels qui furent en outre démultipliés par des opérations gagnantes sur le front des devises. Les monnaies de ces nations émergentes connurent ainsi une envolée spectaculaire sous la pression de ces flux entrants de liquidités avec, à la clé, des profits de changes pour les établissements prêteurs qui avaient parfaitement anticipé ce mouvement. Au final, ce furent donc des sommes négligeables qui furent canalisées vers l’économie réelle américaine. Envers et contre le Président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, qui n’a de cesse d’affirmer l’impérieuse nécessité d’irriguer les banques supposées retourner la faveur aux acteurs économiques, notamment pour soutenir le marché immobilier à travers une multiplication des financements hypothécaires.

La réalité est pourtant tout autre car, en dépit de taux hypothécaires américains qui sont à leur plus bas niveau historique, les établissements financiers n’ont jamais si peu prêté aux acheteurs potentiels, sommés de fournir toutes sortes de garanties en contrepartie de financements qui leur sont accordés au compte-gouttes. Pourquoi les sommes généreusement prodiguées dans le cadre du QE 3 seraient-elles affectées différemment et de manière plus constructive que celles des programmes QE 1 et QE 2 ? Pourquoi ces 40 milliards de dollars injectés mensuellement par la Fed seraient-ils à la disposition des entreprises et des familles US qui en auraient bien besoin, quand les banques peuvent se faire tellement plus de profits en pariant sur les pays émergents, sur leurs ressources et sur leurs start-ups ? Ces banques ont effectivement totalement perdu de vue leur fonction originelle de pourvoyeuses de fonds censée promouvoir la production, l’emploi, les entreprises, l’immobilier… En un mot, tout le spectre de l’activité économique. Car ces établissements ne s’engagent plus désormais que dans des prêts solidement garantis les autorisant à actionner cette caution à la moindre défaillance du débiteur.

La fiction servie par M. Bernanke et consorts selon laquelle ces divers programmes de baisses de taux quantitatives bénéficieraient aux acteurs de l’économie ne fait donc guère plus illusion, tout en ne profitant qu’à la spéculation. Pour achever de s’en convaincre, il suffit d’observer la flambée actuelle des matières premières et des métaux précieux, ayant le vent en poupe par la seule grâce des masses de liquidités astronomiques en mal de s’investir. La Réserve fédérale US a acheté depuis 2008 pour quelque 2,3 trillions de dollars d’obligations émises par sa Trésorerie, sans impact notoire sur les fondamentaux de son économie. M. Ponzi doit blêmir de jalousie face à cette manne pour les banques et pour les investissements spéculatifs. M. Bernanke vient en effet tout juste de le ringardiser.

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