La Turquie, homme malade du monde

La Turquie, homme malade du monde

juillet 6, 2025 0 Par Michel Santi

 

Certains dirigeants – y compris les plus expérimentés de ce monde – n’ont toujours pas compris que les manœuvres et que l’intimidation politiques dégénèrent quasi systématiquement en catastrophes macro économiques. Ce qui devait juste consister au départ à mettre hors jeu un opposant politique s’est immédiatement transformé en angoisse des investisseurs et en saignée financière. Ou comment s’y prendre avec méthode et application dans le but de détruire ce qui subsistait de confiance en une Turquie dont la traversée du désert semble désormais éternelle.

 

La masterclass fut l’arrestation le 19 mars dernier du maire d’Istanbul, favori des prochaines élections Présidentielles turques, pour un motif gravissime – qui disqualifierait nombre de nos responsables politiques français. Il lui fut reproché – mais nullement prouvé – des “irrégularités” à propos de l’obtention en 1990 de son diplôme auprès de l’Université américaine de Girne (Chypre du Nord). L’Université d’Istanbul ayant rapidement réagi en annulant l’équivalence de son diplôme, ce monsieur est donc de facto inéligible à la Présidence, car la Constitution turque exige des candidats un diplôme universitaire. En ce mois de juillet 2025, accusation supplémentaire alléguant que monsieur İmamoğlu aurait en fait falsifié son diplôme universitaire, ce qui le rend passible de prison pour “falsification de documents officiels”.

 

Ce 19 mars dernier initia une réaction en chaîne historique à la faveur de manipulations aberrantes entreprises par un pouvoir en place qui privilégie très nettement l’ego à la stabilité économique et financière de sa nation. Il ne s’agissait aucunement de réformes – mêmes contestables – mais de destruction de confiance qui a coûté à la Banque Centrale 90 milliards de dollars. Celle-ci a quasiment épuisé ses réserves pour tenter de défendre l’incontrôlable chute de sa monnaie ayant dévissé ce jour-là de…12% ! Dans un environnement mondial où la plupart des banques centrales du monde réduisent leurs taux afin de relancer les économies, la Turquie se distingue fièrement une fois de plus pour avoir été contrainte de remonter son taux directeur à …46% afin de canaliser le tsunami provoqué ce 19 mars qui a vu un candidat à la Présidentielle déchu pour cause de diplôme.

 

La situation serait hilarante si elle n’était si sérieuse pour la population d’un pays rendu totalement dysfonctionnel, à côté duquel même l’Argentine serait sobre. Le leadership n’a cure de l’encéphalogramme désespérément plat de l’investissement étranger, ni de l’hémorragie économique, car seul son maintien au pouvoir compte. Sa préservation passe avant la prospérité et avant un renflouement par des liquidités qui font cruellement défaut à sa population. La Livre turque qui était il y a encore 10 ans en dessous de 2 vis-à-vis du dollar, en dessous de 5 il y a 7 ans, a fondu aujourd’hui jusqu’à 40. Le litre d’essence est passé de 1,48 livre en 2002 à 53 aujourd’hui. Et l’inflation se situe à 49%, probablement sous-estimée car le gouvernement contrôle 85 % des médias nationaux.

 

Y a-t-il un message particulier que les dirigeants du pays souhaitaient adresser, par cette arrestation, aux marchés ?

Absolument : que la stabilité est optionnelle, pas l’autorité.

Bienvenue dans la gouvernance turque.

 

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AVANT de partir, feuilletez avec moi le chapitre 49 (Jérusalem) d’Une jeunesse levantine:

 

Le jeune soldat, que rien ne distinguait des autres clients et passants, dont nul n’aurait pu soupçonner qu’il est juif, car ne portant pas de kippa, se lance alors dans une diatribe en règle contre cette femme, manifestement une juive orthodoxe. «Je viens de rentrer de Beyrouth où j’étais avec notre armée, et j’ai honte de ton mépris vis-à-vis des musulmans. Tu es complètement ignorante et toi, comme les tiens, vous vous complaisez dans votre ignominie. Vous tirez une immense satisfaction de votre splendide isolement et de votre manière de voir le monde. Es-tu seulement au courant que des milliers de civils palestiniens sans défense viennent – juste là il y a trois jours – de se faire égorger avec la complicité active de l’armée de notre pays ? J’étais là, oui moi, sur les toits des immeubles avoisinants ces camps, et je peux témoigner – les yeux dans les yeux – de ces hurlements à la mort que nous, juifs de notre fière Tsahal, avons entendus pendant deux jours. Eh bien, nous allons les emporter jusque dans notre tombe ! Nos chefs ont appelé Ariel Sharon en pleine nuit pour l’informer du massacre en cours et demander des consignes. Il a tout simplement remercié son interlocuteur, a raccroché, puis s’est rendormi, sans bouger le petit doigt, quand il lui aurait été possible de stopper cette boucherie par un seul appel au Mossad et aux chefs chrétiens ! Nous avons des milliers d’innocents sur la conscience, leur flot de sang va retomber sur notre peuple. Pendant ce temps, toi dans ton petit confort, avec tes certitudes minables, tu oses nous faire une leçon d’Histoire des juifs et prédire qu’Allah n’écoutera pas les prières de ses fidèles ?

Nous avons perdu toute moralité, nous sommes un peuple fragmenté, nous n’avons plus ce sens de la responsabilité individuelle qui était la beauté touchante du peuple juif. Le drame absolu est que ces souffrances et que ces traumatismes n’ont aucune répercussion, aucune traduction sur la pensée politique. Le discours public et politique reste hermétique face à l’expérience pratique, et glacial face à ces méfaits. Compartimenter, dissocier est le reflet des sociétés malades. Je crains qu’Israël, mon pays, ne soit condamné à imploser sous le poids de la cruauté et de la stupidité. Je vais te dire un mot que tu connais. Tu vas tout de suite le comprendre : Sinat Hinam. Oui, nous sommes parvenus aujourd’hui à ce stade de haine gratuite qui a été la raison principale de la destruction des deux temples. C’est notre désir de nuire, c’est notre méchanceté, c’est notre méfiance qui nous perdront, les mêmes qui ont été à l’origine de la disparition de nos temples. Contrairement à ce que toi et tes semblables ne cessez de crier, accusant des rois antiques, des Romains, des Arabes, des Palestiniens. Toutes nos tragédies n’ont été redevables qu’à nous, et sont simplement les conséquences de cette haine gratuite. Ce peuple martyrisé pendant 2 000 ans a tout oublié. Il y a quelques semaines, comme tu le sais bien, nous avons eu Tisha B’Av où nous avons dû nous souvenir des catastrophes passées, et méditer sur leurs causes. Cette année, pour moi au sein de notre armée d’occupation, Tisha B’Av a été particulièrement triste et c’est là que j’ai eu ce déclic de deuil, de deuil sur Israël menacée de dissolution à cause de nous, les juifs, et de notre maladie spirituelle profonde.»

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