
Les sanctions, reflets de la suprématie américaine
Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas l’arme du dollar qui rend les sanctions américaines contre un pays incontournables. Le billet vert est certes la monnaie de réserve par excellence au niveau universel et est naturellement constitutive de l’hégémonie américaine. Pour autant, il ne suffit pas – comme nombre d’entreprises et de nations sous sanction – de commercer dans une autre monnaie afin d’éviter ces sanctions. En d’autres termes, ce n’est pas grâce à leur monnaie que règnent les Etats-Unis car il ne suffit pas de ne plus en faire usage pour se soustraire à leurs sanctions.
Prenons le cas de l’Iran qui vient de se voir infliger une batterie supplémentaire de sanctions par les USA. Aucune entreprise américaine n’est plus autorisée aujourd’hui – non à entretenir des relations commerciales avec l’Iran, ce qui est une cause entendue – mais également à aucun contact avec une entreprise européenne, japonaise, canadienne ou autre qui ferait des affaires avec l’Iran. Cette société étrangère qui commerce avec l’Iran se retrouve donc confrontée à un choix impossible consistant à être littéralement bannie, non seulement des Etats-Unis, mais surtout de faire de quelconques affaires avec une entreprise américaine si elle décidait de maintenir ses relations avec l’Iran. Dès lors, cette société étrangère récalcitrante serait privée d’accéder à l’immense marché US, privée de la technologie US, privée de l’expertise de la Silicon Valley, privée d’acheter un quelconque actif ou valeur américains, privée d’accéder au gigantesque et lucratif marché des capitaux US, privée d’utiliser le dollar comme moyen de paiement, condamnée à fermer ses succursales aux Etats-Unis. Ses responsables, même ceux vivant hors des USA, ne pourraient plus envoyer leurs enfants dans les universités américaines, même plus se faire soigner dans les hôpitaux américains s’ils le souhaitent, se verraient refuser l’entrée sur le territoire US pour un simple voyage d’agréments.
Cet arsenal dissuasif confère donc cette toute puissance à des Etats-Unis qui ne seraient certainement pas plus cléments avec une entreprise étrangère croyant se soustraire à ces pénalités en commerçant en euros (par exemple) avec une société iranienne. Cette société européenne espérant naïvement éviter ou contourner les sanctions US serait immédiatement inscrite sur une liste noire par le Département US de la Justice qui l’apprendra bien un jour ou l’autre (car rien ne leur échappe) et qui lui réservera un traitement «spécial». Ce n’est donc pas tant l’arme du dollar qui confère leur redoutable efficacité aux sanctions américaines. C’est l’interdiction faite à quiconque opte de les ignorer de profiter de la qualité indiscutable de la technologie, des services, des biens et de l’expérience dont bénéficient les entreprises et les individus aux Etats-Unis d’Amérique.
Toute entreprise et tout pays, quelles que soient leur taille et importance, n’hésitera à aucun sacrifice pour continuer à y avoir accès.
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Michel
A l’auteur. Vous avez raison dans un sens, mais dans un autre sens, non. Et celui-ci est primordial. Si les sanctions font leur effet, et peu importe si c’est l’arme du dollar ou l’accès au marché américain, comment alors expliquer que les sanctions sont inefficaces ?
Elles produisent certes un effet, contractant le commerce extérieur qui est essentiel au commerce intérieur, et pourtant rien n’y fit, l’Iran continue à ignorer l’Amérique, et à mener sa propre politique extérieure qui plus est est agressive envers les États-Unis.
Donc il y a un défaut dans les sanctions, et plus grave encore, les sanctions “inopérantes” remettent en cause l’efficacité à la fois du dollar US en tant que monnaie de réserve mondiale, de libellé des transactions pétrolières des pays OPEP sans l’Iran et la Syrie, et de monnaie de transactions internationales la plus utilisée.
Par conséquent, il y a quelque chose qui n’est pas compris dans votre article sur le dollar et le marché américain. Et surtout n’oublions pas le bras de fer États-Unis-Chine, sans compte l’Inde et autres puissances émergentes dans le sillage.