Un mal pour un bien ?

juin 12, 2011 0 Par Michel Santi

Les baisses des bourses – appelées à s’accélérer ces prochaines semaines? – ne constituent peut-être qu’un épiphénomène. En fait, les investisseurs, spéculateurs et autres analystes de ces marchés se retrouvent aujourd’hui comme tétanisés par le flot de nouvelles décourageantes, voire carrément néfastes, pour l’ensemble des actifs dits « à risques »…

Statistiques économiques US en affaiblissement constant, débat houleux voire extrémiste entre Républicains et Démocrates à propos du plafond de l’endettement américain avec, en ligne de mire, le défaut de paiement – certes hypothétique – du pays mais le seul fait d’évoquer cette potentialité catastrophique rend l’air mondial irrespirable ! Un continent européen maladivement velléitaire qui ne se résout toujours pas à laisser enfin souffler une Grèce qui ne reprendra un peu de couleurs qu’à la faveur du défaut (au moins partiel) de paiement. Une Chine qui ralentit manifestement, des marchés émergents où sévit une inflation préoccupante, des matières premières qui, quoiqu’ayant un petit peu corrigé leurs niveaux de prix excessifs, sont toujours à des paliers respectables et susceptibles d’induire une récession, comme le pétrole qui ne cesse de fleurter avec les 100 dollars le baril ou l’or très proche de ses records historiques…

La flambée de ces denrées et matières ayant à l’évidence tout à la fois réduit la consommation tout en comprimant à la baisse les marges bénéficiaires des entreprises. Sans négliger les conséquences qualitatives majeures et vitales pour une bonne activité économique comme l’investissement et les embauches de personnel qui se retrouvent quasiment gelés dans ce contexte de grande volatilité des matières premières favorable aux poussées inflationnistes… Oui, les boursiers ont vraiment de quoi être tétanisés aujourd’hui car ils pressentent que le pire est à venir, que les dépréciations des valorisations se déclineront prochainement à deux chiffres avant la décimale.

Un phénomène fondamental – et fondateur – pour les bourses est effectivement sur le point d’être clos en cette fin de mois de Juin, à savoir le second round des baisses de taux quantitatives. Initialement mis en place afin de mettre de l’huile dans les rouages de l’économie « réelle », ces QE 1 et QE 2 ont très vite été récupérés par la caste des investisseurs et des spéculateurs les ayant détournés à leur avantage. C’est en effet uniquement et exclusivement à cette aune qu’il convient d’interpréter et de comprendre les appréciations boursières de ces derniers mois et années, en gros depuis Mars 2009. Champions dans les lois de l’anticipation, ces grands gagnants de la crise prennent donc aujourd’hui conscience que la fête est finie, que Bernanke ne sera tout simplement pas en mesure de remettre une nouvelle dose de QE 3 pour des motifs politiques du fait des prochaines élections présidentielles américaines et, accessoirement, par crainte d’une inflation qui échapperait à tout contrôle et qui sonnerait le glas de l’administration Démocrate actuelle.

N’ayant nullement profité aux acteurs économiques, ces injections massives de liquidités ne manqueront donc pas à l’activité ou à la croissance une fois interrompues. C’est tout au plus les investisseurs qui devront en faire leur deuil… et se trouver d’autres motifs – les vrais et les seuls durables sur le long terme – pour acheter les actifs boursiers. Ayant aboli des marchés la notion fondamentale de « moral hazard » par la grâce de ses programmes de baisses de taux quantitatives, la Réserve Fédérale avait ainsi ménagé une voie royale stimulant tout type de spéculation via ses injections de liquidités. Depuis le milieu de l’année 2009, il suffisait ainsi d’acheter – des titres, de l’or, du pétrole ou d’autres matières premières – pour être en mesure de revendre avec profits à court terme car la création intensive et outrancière de nouvelle monnaie favorisait la formation de toute une série de bulles. Les boursiers et autres investisseurs devront donc réapprendre leur métier et se préparer à enfin prendre et assumer des risques … bref : à savoir comment et pourquoi se lancer dans tel ou tel autre placement sous la menace de pertes en cas de décisions malheureuses!

Il est possible – après tout – que la fin de ces QE et que les baisses boursières inéluctables à venir remettent les idées de ceux qui les avaient perdues en place ? Et si le ralentissement (très relatif) de l’économie chinoise combiné à l’absence des stimuli US faisaient enfin retrouver au pétrole et aux matières premières des paliers compatibles avec une croissance plus saine et durable ? Et si l’atténuation de la menace inflationniste faisant écho à l’arrêt des QE permettait aux pays émergents d’assouplir les influx de capitaux (rigoureusement filtrés à cause de ces craintes inflationnistes) et donc de renouer avec une très forte croissance et ce pour le plus grand bien de leurs citoyens et de l’humanité ? Un nouvel équilibre saurait-il être trouvé à présent que les acteurs seront enfin livrés à eux-mêmes et que cette immense parenthèse des stimuli étatiques en place depuis plus de deux ans est en train de se refermer ?

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