Recherche inflation désepérément
Que reste-t-il à un banquier central lorsque ses taux d’intérêts sont à zéro et que plus ou moins toutes ses cartouches sont épuisées ? Faire des promesses. Et assurer que les taux seront maintenus à ce niveau jusqu’au rétablissement de l’emploi – et même légèrement au-delà de cette période, avec le risque assumé de voir les prix augmenter. Un banquier central peut certes dès lors perdre en crédibilité, se retrouvant de facto en porte à faux par rapport à sa mission principale de “stabilité des prix”. Pas nécessairement toutefois si, pour reprendre l’idée originale de Paul Krugman, cet engagement de se montrer irresponsable est perçu…de manière crédible.
Voilà pourquoi la stratégie de Ben Bernanke – qui vient d’assurer injecter dans l’économie des liquidités de manière « illimitée » à travers des achats d’obligations d’Etat – peut se révéler payante car consommateurs et analystes ne songeront pas à remettre en question la puissance de feu de la Réserve Fédérale américaine. Pour autant, Bernanke engage là son entière crédibilité car nul ne le croira plus s’il manque à sa promesse d’activer la planche à billets fédérale jusqu’au rétablissement économique. Sa compétence et son image prendront également un coup si ses injections de liquidités massives ne rétablissent pas l’emploi et la croissance. Bill Gross, gérant du méga fonds obligataire Pimco, estime pour sa part que la Réserve fédérale ne cessera ce programme des ” QE 3 ” que si le chômage américain repasse en-dessous de 6%.
Il n’en demeure pas moins que le dernier engagement en date de Bernanke et consorts dope les marchés et entretient un optimisme quelque peu irrationnel, car nul ne lui prête la volonté de rompre cette promesse. D’où, précisément, la confiance quasi généralisée en cette position un peu folle de la Fed consistant à acheter des obligations en quantités « illimitées »… L’objectif ultime étant la fameuse “reflation” de l’économie, qui ne se matérialisera que si les investisseurs abandonnent les marchés obligataires au profit des bourses.
Néanmoins, la marge de manœuvre de la Réserve Fédérale est de plus en plus limitée et, ce, en présence de trois poids morts qui neutralisent son volontarisme et son dynamisme. Ses taux d’intérêts, à ou proches du zéro absolu, sont à leur plus bas niveau depuis plus de 30 ans. Sa masse monétaire se développe à un rythme effréné depuis plusieurs années. Et les déficits fédéraux dépassent le trillion de dollars. Elle doit donc jouer des coudes afin d’optimiser sa création de monnaie supplémentaire – voire « illimitée » – dans un contexte où elle a décidément bien du mal à créer de l’inflation. Car seule la résurgence des menaces inflationnistes permettra un redémarrage en beauté du moteur économique américain. Rien n’y fait pourtant car, en dépit d’une certaine volatilité sur les prix énergétiques et des denrées alimentaires, l’inflation reste très contenue, voire insignifiante.
Toute la création monétaire US depuis les années 2008 à ce jour sont donc restées inefficaces pour insuffler une inflation digne de ce nom, c’est-à-dire un taux compris entre 3 et 4%. En fait, tout l’argent du monde ne contribuera pas à augmenter les prix tant que les consommateurs ne sont pas disposés à le dépenser ! Apaisement du lourd climat politique aux Etats-Unis, foi en la poursuite du projet européen, assainissement des bilans des banques qui recommenceront à prêter, régularité de la locomotive chinoise, redressement du pouvoir d’achat des consommateurs dont beaucoup en sont réduits à rembourser leurs dettes, appréciation du marché immobilier qui reste une clé incontournable de financements à prix modique. Autant de préalables incontournables qui motiveront le consommateur à se lancer dans de nouveaux projets, mais qui nécessitent la stabilisation de l’économie.
En d’autres termes, les banquiers centraux ont certes raison de créer encore de l’argent. Encore faudrait-il que tout cet argent circule. Pour ce faire, encore faudrait-il qu’il atteigne les poches du citoyen!
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Michel