PIIGS: Circulez, y a rien à voir
A présent que toutes les regards sont braqués vers l’Egypte, les déboires européens se sont-ils pour autant estompés? Les PIIGS auraient-ils réglé comme par enchantement leurs problèmes? Certes, les fluctuations de l’Euro et des marchés financiers européens anticipent un rétablissement de ceux des pays de l’Union donnés agonisants il y a encore quelques semaines. En effet, après avoir glissé sous le niveau de 1.30 vis-à-vis du dollar, la monnaie unique semble aujourd’hui se diriger vers 1.40 et le CAC a gagné 7% jusque là en 2011… En fait, les marchés au sein même des PIIGS semblent promis à une nouvelle vie puisque la bourse d’Athènes s’est appréciée de 15% en Janvier! Le Crédit Suisse (et d’autres établissements avec lui) n’ont-ils ainsi pas amélioré leur notation relative aux actions grecques considérées désormais comme “bon marché”? Les analystes de cette même banque n’ont-ils pas assuré péremptoirement que les problèmes irlandais, portugais et espagnols n’étaient “pas systémiques”?
En fait, une configuration astrale favorable contribue à ce climat optimiste qui se révèle d’autant moins compréhensible que les taux d’intérêts européens entament une pente ascendante, synonyme de multiplication des problèmes pour toutes ces nations hyper endettées. Qu’à cela ne tienne: Des rumeurs complètement farfelues évoquant l’émission d’obligations européennes similaires à celles ayant permis la restructuration des dettes de l’Amérique Latine dans les années 80 aux bruits faisant état du Fonds de Stabilité Européen supposé rafler tous les Bons du Trésor à long terme des PIIGS … Bref, l’altruisme et la générosité semblent avoir fait leur “come back” dans une Union Européenne dont la forme semble aujourd’hui inversement proportionnelle à la dégradation de la situation moyen-orientale. Oh! Et j’avais oublié le projet idyllique évoqué par certains et consistant pour le Fonds de Stabilité Européen, via un tour de passe passe magistral, à transformer toutes les obligations des PIIGS en Bons à des taux plus attractifs… Quoiqu’il en soit, le sauvetage de la Grèce semble un fait acquis et ce pendant que Barclays Capital à Londres se risque à prévoir une nette amélioration de l’emploi en Europe.
Comment conclure que les marchés sont aujourd’hui mieux disposés envers ces pays fragilisés alors que la masse de leurs financements (qui ne cesse de gonfler) se renouvelle à des taux toujours plus rédhibitoires ? L’Union sera peut-être en mesure de ré échelonner certaines dettes affectant les nations européennes périphériques mais elle ne parviendra en aucun cas à éradiquer l’ensemble de leurs plaies financières. Ce serait en effet commettre une grossière erreur que de naïvement penser que la restructuration de dettes est la solution à leurs maux: en effet, une restructuration est nettement moins avantageuse pour un pays endetté qu’un défaut de paiement en bonne et due forme car il ne fait que cristalliser une situation déjà pourrie… Le fardeau de la dette persiste donc dans une telle éventualité et est comme gravé dans un marbre qui tire toujours vers le fonds la nation endettée.
Il est donc inapproprié et pour le moins prématuré d’applaudir à la résolution des équations – qualifiées d’insolubles il y a encore deux mois – des PIIGS. Ce réchauffement climatique européen est néanmoins fort révélateur de la manière de fonctionner des marchés et des investisseurs qui, après s’être acharnés contre elle, se détournent d’une zone géographique pour sévir sur d’autres territoires jusque là épargnés. A cet égard, je ne me fais aucune illusion car, après l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, les prédateurs redécouvriront l’Europe.