Pays émergents : choisissez votre poison !

octobre 28, 2010 0 Par Michel Santi

L’intégralité de la stratégie – et des espérances – de la Fed et de son programme de baisses de taux quantitatives reposent sur un tassement des taux d’intérêts long terme qui rendra un peu de leur attractivité à certains actifs sinistrés en comprimant les frais de refinancement des emprunteurs. Tactique supposée relancer la demande agrégée et naturellement la croissance. Pourtant, les baisses de taux quantitatives, qui ne résultent pas nécessairement en des taux long terme plus bas, ne sont pas non plus synonymes de reprise de l’activité économique. A cet égard, l’exemple du Japon – ayant injecté au fil des ans des trillions de yens dans son système et où l’indicateur de la déflation (GDP Deflator) est néanmoins en baisse de 14% depuis 1997- est éloquent. Ainsi, en dépit de doses successives de ces “Quantitative Easings”, ce pays a complètement échoué à promouvoir une progression de ses crédits et, partant, à améliorer sa croissance.  

En fait, le seul et unique impact de ces QE semblerait consister en des hausses des actifs boursiers qui, eux, ne sont soutenus par nul facteur fondamental. Appréciations boursières entièrement imputables aux retombées psychologiques de QE qui, dans l’esprit des spéculateurs et des investisseurs, sont naturellement encourageantes puisqu’elles reviennent tout bonnement à faire fonctionner la planche à billets! Autrement dit, la Réserve Fédérale US a atteint son objectif si tant est-il que celui-ci soit de motiver une progression boursière… Néanmoins, le manque d’efficience de baisses de taux quantitatives ne profitant qu’à la spéculation laisse d’ores et déjà présager de doses supplémentaires pour les mois à venir. En réalité, la très probable victoire des Républicains aux prochaines élections du “mid-term” permet même de prévoir des “QE 3” pour 2011!  

Les marchés émergents n’ont donc qu’à bien se tenir car ces liquidités vertigineuses sont sur le point d’inonder leurs économies et leurs marchés. Il leur est donc absolument impératif – voire vital – de se protéger par tous les moyens contre cet influx massif d’argent spéculatif. En dépit des partisans d’un libéralisme forcené, ces nations se doivent de mettre en place des mesures visant à contrôler les capitaux car il y a va du salut de leur propre économie et de leur système financier. Et l’argument selon lequel les investisseurs seraient prompts à punir tout pays qui chercherait à brider la spéculation ou à enfreindre la sacro-saint loi du marché libre ne tient pas. La Russie, qui a fait défaut en 1998, n’aurait-elle en effet pas été boycottée si les marchés et les investisseurs étaient dotés d’une quelconque mémoire sur le long terme?  

La mise en place d’un cordon sanitaire par les pays émergents est certes problématique – du point de vue de la globalisation et du commerce international – mais ces nations en sont aujourd’hui réduites à choisir entre le moins nocif des poisons. En attendant, elles ont l’obligation de protéger leurs populations contre les ravages de bulles spéculatives concoctées Outre-Atlantique.

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