L’Europe : combien de divisions ?
L’Europe a été mal conçue. Chacun des gouvernements de l’Union est capable de se financer par le biais de l’émission d’obligations cédées à des banques qui, à leur tour, empruntent à la BCE en garantissant ces mêmes bons issus des divers Trésors Européens. Ces Banques commerciales réalisant au passage d’intéressants profits consistant en la différence entre le coût très faible perçu par la BCE et l’intérêt du prêt consenti à un Etat bien heureux de pouvoir ainsi financer ses déficits publics… Pour autant, chaque pays Européen ne peut échapper à son obligation de repayer sa dette ou, à tout le moins, de stabiliser ses déficits même si l’accession au sein de la zone Euro a permis à nombre d’Etats de faire bénéficier leurs établissements financiers d’argent facile et à prix modique.
Ces facilités sans précédent accordées aux nouveaux arrivants dans la famille Européenne – combinées à la quasi certitude du soutien de la jadis omnipotente BCE en cas de tempête financière – furent interprétées comme un blanc seing par des Banques (Irlandaises, Espagnoles …) qui se lancèrent donc à corps (et à fonds) perdus dans la spéculation immobilière (par l’octroi de prêts tous azimuts), dans divers investissements spéculatifs et dans une expansion immodérée vers l’étranger. En somme, la manne offerte par la BCE permettait de multiplier à l’infini les bilans de ces Banques avec des crédits qui, aujourd’hui, contribuent massivement à mettre en péril ces mêmes nations ! Pourquoi s’étonner, dans ces conditions, du succès réjouissant de l’élargissement Européen ? … et qui s’étonnera aujourd’hui du risque d’implosion causé par ces papiers valeurs de pays en voie de cessation de paiement détenus par les Banques Européennes ?
Les Allemands hantés comme on le sait par l’inflation du temps de Weimar autoriseront-ils pour autant la BCE à procéder à la seule mesure susceptible de sauver la Grèce (et d’autres) de la faillite, à savoir le rachat en nombre de ces obligations émises par ces pays au bord du gouffre ? En dépit des dénégations de son Président, la BCE sera en finalité bien forcée par les marchés d’arroser de liquidités ces pays par le biais d’une razzia généralisée sur leurs papiers valeurs zombies. Malheureusement pour la BCE, pour l’Allemagne et pour l’Union qui n’ont pris de décisions jusque là que le couteau sous la gorge, les marchés ont cette caractéristique d’être pro actifs, c’est-à-dire d’appuyer systématiquement sur les points sensibles et névralgiques. Et le marché a d’ores et déjà dépassé le stade de la Grèce et même du Portugal car il se tourne actuellement vers l’Espagne et vers l’Italie dont les obligations se retrouvent progressivement projetées sur le devant de la scène.
En fait, le cauchemar est tout à venir car les investisseurs internationaux se rendent compte que ces papiers valeurs émis par l’Etat Espagnol et naguère considérés comme l’équivalent du cash peuvent parfaitement se déprécier, voire ne plus avoir aucune valeur ! L’Espagne et son chômage de 20%, son déficit budgétaire de 11.2% de son P.I.B. (comparé aux 13.6% de la Grèce et aux 9.4% du Portugal), cette Espagne au taux de change pour le moins peu compétitif ne devrait-elle pas rémunérer les investisseurs ayant encore le courage de la financer par les circonstances actuelles à hauteur de plus que les 5% qu’elle paie actuellement sur ses Bons ? De fait, les marchés se rendent aujourd’hui compte que les risques de prêter à l’Espagne (et à l’Italie) sont démesurés en regard des rendements offerts par ces pays. Les valorisations des actifs de ces pays sont donc condamnés à se déprécier tout comme leur système bancaire est-il sur le point de traverser des tourmentes telles qu’il devra encore rationner les crédits et subir des fuites de capitaux…
En finalité, les rendements toujours plus hauts promis par ces pays en difficultés et qui ne satisferont plus les investisseurs traditionnels (fonds de pension, banques commerciales) peu enclins à des risques exagérés mettront Madame Merkel et M. Trichet face à des problématiques que eux-même ne pourront plus résoudre. Car l’Union Européenne aura cessé d’exister ce jour où l’Espagne et l’Italie ne parviendront à se financer qu’avec difficultés !
En réalité, les seules solutions qui permettront à l’Union d’éviter l’implosion pure et simple sont les bonnes vieilles formules utilisées régulièrement par … les pays émergents ! Dépréciation massive de la monnaie, restructuration des règlements fiscaux et monétaires, apport en liquidités (en provenance de l’étranger et notamment du F.M.I. !) de l’ordre de 800 milliards d’Euros équivalents à trois années de paiement de leur dette souveraine par la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie… Montants qui pourraient en fait s’avérer inférieurs si l’Euro décrochait jusqu’à la parité contre le billet vert.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus de sauver la Grèce ou même des banques importantes de certains pays fragilisés : c’est les fondements même de l’Union qui sont menacés.
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