
Le compte à rebours
Les intérêts dont s’acquitte tout pays sur sa dette publique dépendent de la masse de ses endettements ainsi que de leur ratio en comparaison avec le P.I.B. de la nation en question. Tandis que l’Allemagne – qui doit moins que ce qu’on lui doit – bénéficie de rendements fort cléments sur ses Bons du Trésor, un pays comme la Grèce se situe à l’extrême opposée, c’est-à-dire qu’il est contraint de payer des intérêts usuraires pour financer une dette massive. Dans le même ordre d’idées, l’Espagne mais surtout le Portugal doivent gérer tant bien que mal une aggravation de leurs dettes détenues par l’étranger provoquée par des déficits budgétaires croissants. Ces difficultés se traduisent naturellement en une raréfaction du crédit (et soit dit en passant en une situation inextricable pour bien des banques de l’Union) ayant pour conséquence immédiate, voire mécanique, une majoration des frais liés au service de ces dettes publiques. Pour autant, cette problématique dépasse largement les cadres économique ou pécuniaire pour se transformer en équation hautement sensible à connotation ô combien politique puisque la nation en question devient intégralement dépendante du bon vouloir d’étrangers daignant toujours financer ses déficits.
Le paradigme européen qui voulait que les membres de l’Union se financent à des tarifs fort avantageux a donc vécu. A cet égard, seule la sortie de l’Euro de certaines nations fragilisées qui retrouveront une monnaie nationale appelée à être nettement dévaluée avec, à la clé, une restauration de leur compétitivité serait susceptible de soulager des déficits publics en souffrance. Toute la caste des investisseurs et autres créanciers en serait immanquablement lésée mais tel est cependant le prix à payer pour éviter l’autre alternative ponctuée de discorde et de tourmente sociales parce que faite d’austérité, de chômage et de réduction supplémentaire du pouvoir d’achat… En attendant, c’est l’ensemble des pays de l’Union Européenne qui est amené à être progressivement dépendant des fonds de la BCE. C’est, en d’autres termes, le système bancaire européen qui sera lui aussi placé sous perfusion sachant que cette contagion s’étendra lentement mais sûrement aux autres pays européens non membres de cette Union. Le zloty polonais n’est-il pas déjà sous pression ? Les établissements financiers des pays de la Baltique ne subissent-ils pas également une intense défiance ?
Pour autant, la plus mauvaise nouvelle à laquelle est confrontée aujourd’hui l’Union est ce ralentissement économique qui semble toucher indistinctement tous ses membres : c’est ainsi que la production industrielle a baissé en Septembre de 4.4% en Allemagne, de 6.2% en France et de 9.2% en Italie. Les prévisions de croissance pour 2012 devront être revues substantiellement à la baisse sachant que le reste du monde pâtira à l’évidence de cette torpeur européenne. De l’économie chinoise qui semble stagner aux gigantesques défis fiscaux et économiques sur la route des dirigeants américains, les maux européens pourraient bien se traduire en une paralysie globale. L’échec sans précédent de l’appel de fonds allemand la semaine passée fera-t-il peut-être réagir les autorités de ce pays qui prendront enfin conscience que les déboires souverains ne s’arrêteront pas à leurs frontières… Cette vulnérabilité de l’Allemagne devrait en effet – logiquement – conduire à des décisions d’exception, faute de quoi la situation européenne échappera dans les prochaines semaines à tout contrôle !
Pour résumer : seule la planche à billets de la BCE serait à même de juguler cet immense feu en gestation. A moins que – pour reprendre l’expression de Martin Wolf – l‘on ne se souvienne de la BCE que « comme la magnifique et orthodoxe banque centrale d’une union monétaire ayant échoué »…
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Michel