Europe : avant le point de rupture

novembre 1, 2011 0 Par Michel Santi

L’euphorie subséquente à l’accord européen trouvé la semaine passée fait donc long feu. L’Euro, comme notre Union, n’auront aucune autre chance !

 

Les doutes se manifestent d’ores et déjà : l’Italie – troisième économie européenne – n’a-t-elle pas dû s’endetter le 28 Octobre dernier à 3 ans et à un taux record de près de 5% ? Le taux de la dette grecque à 10 ans n’a-t-il pas depuis grimpé à … 6.30% dans un contexte de marchés excessivement volatils?! Et n’évoquons pas les doutes grecs, bien justifiés eu égard aux souffrances de leur population? Certes, les dirigeants de l’Union ont-ils – enfin – pris conscience que la totalité des pièces du puzzle étaient imbriquées. Ainsi, ont-ils admis que toute issue convaincante et sur le long terme à cette crise de la dette souveraine devrait nécessairement englober – et sur un même plan – des restructurations partielles (c’est-à-dire des défauts de paiement sur une partie importante des dettes), une recapitalisation conséquente du système bancaire et des garanties émises par l’émission de Bons du Trésor des nations épargnées par la tempête. Ces trois facettes du problème étant indissolublement liées, en prendre conscience, c’est déjà entrevoir leur règlement. Pour autant, l’ampleur des solutions apportées manque cruellement d’ambition car, une fois de plus, la frilosité et le sempiternel chacun-pour-soi européens l’emportent. 

 

Ainsi, le plan accouché il y a quelques jours dans la douleur prévoyant un effacement de la moitié de la dette grecque, un financement de l’ordre de 100 milliards d’Euros accordé à ce pays et l’augmentation du Fonds de Stabilité devant atteindre 1’000 milliards permettra-t-il de calmer un temps – certes peut-être plus ou moins long – l’ire des spéculateurs car l’Union Européenne, qui bénéficie d’une force de frappe immense, aurait pu et aurait dû voir plus grand. En réalité, ce baume appliqué sur les plaies européennes et qui ne traitera que la douleur masque péniblement le conflit fondamental – le seul, le vrai – entre la France et l’Allemagne qui n’ont pu tomber d’accord sur les attributions de la BCE, seule entité à même de s’imposer vis-à-vis de marchés qui peuvent redevenir fous d’une semaine à l’autre. En effet, seule cette institution – bénéficiant du pouvoir thaumaturgique d’imprimer une quantité théoriquement infinie d’Euros – est en mesure de remettre en place les projets déments de la spéculation en intervenant massivement pour acheter, si besoin est, des millions de milliards d’obligations émises par les pays en péril. Là est le fonds du débat, là est la ligne de démarcation entre les positions françaises et allemandes. Et les marchés, toujours vifs et proactifs, se rendront prochainement compte du défaut dans la cuirasse de cet accord européen et ne manqueront certainement pas de l’exploiter.

 

Le groupe dirigé par les allemands n’ayant toujours pas chassé ce vieux fantôme qui le hante depuis des années, à savoir son refus, voire son aversion congénitale, à cautionner de manière illimitée les excès des PIIGS. L’Union Européenne se retrouve donc encore et toujours partagée entre Nord et Sud, entre cigales et fourmis, entre dépensiers et industrieux, entre austères et frivoles, voire entre protestants et catholiques… Aussi, le blanc seing qui serait accordé à la BCE d’acquérir des quantités substantielles de Bons du Trésor des PIIGS à la faveur de sa capacité d’intervention reconnue de tous reviendrait donc à avaliser le mode de vie – inadmissible pour l’Allemagne et ses suiveurs – des nations du « Club Med »… Débat financier qui est en réalité teinté d’une bonne dose de philosophie. Voilà pourquoi les accords péniblement conclus la semaine dernière – et qui s’apparentent plus à de la cosmétique qu’à de la chirurgie – sont susceptibles d’être battus en brèche.

 

En effet, ceux qui sont dénommés de manière pudique et déférente d’ »investisseurs » feront grimper les surenchères, voire refuseront à un certain stade de prêter aux nations européennes périphériques. Il sera alors trop tard – même pour la BCE – de jouer efficacement ce rôle de pompier car l’incendie échappera à tout contrôle. C’est pourquoi la BCE doit immédiatement être dotée de cette précieuse capacité d’acquérir de son propre chef la dette des pays fragilisés. C’est pourquoi l’ensemble des membres de l’Union devront abandonner une partie de leur souveraineté au profit d’une entité qui en assumera le gouvernement économique. Nul n’a jamais prétendu que le chemin de l’Euro ne serait pas semé d’embûches.

 

Il est toutefois impératif de prendre aujourd’hui ces décisions avant de parvenir au point de rupture.

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