L’Allemagne bride l’Europe

Plus grave erreur économique de l’Allemagne de ces 20 dernières années. Célébré à l’époque comme la victoire de la rigueur fiscale et budgétaire rompant avec l’insouciance reprochée à l’immense majorité des membres de l’Union vivement exhortés de lui emboîter le pas. Inscrit dans le marbre de la Constitution. Aujourd’hui, les politiques allemands ne savent plus comment s’en débarrasser.
Le frein à l’endettement est devenu cette équation impossible à résoudre contraignant les dirigeants du pays à trouver toutes sortes d’artifices comptables ou de parades afin de le contourner. Bref, cet encadrement strict et non négociable des déficits publics est une très mauvaise nouvelle pour Olaf Scholz et pour son gouvernement. Et pour cause, comment diable pouvoir gérer dans la conjoncture actuelle un pays contraint de limiter son déficit structurel à 0.35% du P.I.B. fédéral, et imposant de surcroît l’équilibre budgétaire à ses 16 Etats ? Non content de cette orthodoxie intransigeante, Wolfgang Schäuble, Ministre des Finances de Merkel, décédé il y a peu, qui prenait un malin plaisir à martyriser celles que l’on qualifiait à l’époque de «nations européennes périphériques» comme l’Italie ou l’Espagne, imposa même le fameux «Schwarze Null» prohibant tout nouvel endettement public.
Au final, l’Allemagne risque de déstabiliser les finances de l’Union Européenne, et les siennes propres, pour avoir traversé tout récemment une crise budgétaire à la longueur inédite. Ses responsables politiques sont d’ores et déjà démonétisés pour avoir vertement été remis sur le droit chemin de la rigueur par la plus haute cour constitutionnelle de la nation qui a révélé une créativité déplacée du Gouvernement allemand dans ses montages spéciaux afin de colmater les trous. Cette ingéniosité de l’exécutif dans la création de fonds ou de véhicules spéciaux, ou pour tenter de déclarer des urgences qui n’en sont pas, dans l’objectif de contourner ce frein à l’endettement constitutionnel achève de décrédibiliser un Chancelier vacillant, érode considérablement le peu de confiance lui étant encore accordé ainsi qu’à son Gouvernement par un peuple allemand en pleins questionnements et doutes.
Dans cette Allemagne de début 2024, les multiples grèves toutes récentes et celles immanquablement à venir sont loin d’être anodines. Le coup de grâce des augmentations d’impôts pourrait bien être assené au peuple allemand par ses dirigeants acculés par ce frein à l’endettement lequel paralyse et lequel fige tout sur son passage : soutien à l’Ukraine, aides sociales, remise en état des infrastructures… Bref la crise de confiance envers les élites allemandes se révèle désormais d’une acuité sans précédent, tant et si bien que l’ancien Ministre des Finances à la longue carrière politique, Peer Steinbrück, qui en fut un des ardents défenseurs a reconnu que le frein à l’endettement n’est plus dans l’air du temps.
Cette limite à l’endettement en Allemagne fait fi de la dimension globale, affaiblit considérablement et sa propre économie et la puissance de projection européenne. Comment l’Allemagne serait-elle en mesure de révolutionner son modèle mercantiliste à l’exportation si ses pouvoirs publics ne sont même pas capables de subventionner ses entreprises actuelles et futures actives dans les dernières technologies, comme n’hésitent évidemment pas à le faire très généreusement les Etats-Unis et la Chine. Une nouvelle fois, l’entêtement et le cavalier seul de l’Allemagne sapent les ambitions européennes.
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Tel Néron, nous verserons une larme dans une fiole en pensant aux déboires de l’Allemagne, exportateur acharné qui pilote son économie avec une balance commerciale toujours largement positive comme tableau de bord.
Avec ce genre de partenaire, il est inutile d’avoir des ennemis, car pour tenir un tel contrat, il faut trouver exclusivement des partenaires qui acceptent une balance commerciale exclusivement négative.
En 1991, j’intervenais chez Farner, à Granges, en Suisse allemande non de Bienne, usineur des dossiers de sièges de cockpit pour Airbus, depuis acheté par Airbus et rapatrié en France, je me souviendrai toujours de la plainte du directeur qui m’expliquait que son client allemand exigeait qu’il se fournisse en Allemagne (matière ou équipements ?) s’il voulait conserver son contrat de fourniture avec Airbus, européen de nationalité. CQFD.