Michel Santi

Fiscal et monétaire : le couple inséparable

 

 

La dette publique : «menace existentielle». C’est ainsi qu’elle est décrite par les gardiens du sérieux budgétaire dont l’alarmisme relève davantage du populisme que d’une compréhension rigoureuse des mécanismes. Leurs discours visent à instiller la peur à des fins idéologiques. Ils servent un agenda caché. A moins qu’ils ignorent les liens intimes entre fiscalité et politique monétaire ? Ce qui est aussi grave…

 

Le fiscal et le monétaire intimement liés

La dette publique est l’autre face de l’épargne privée. Chaque euro d’endettement de l’État correspond à un euro d’actif pour les ménages et pour les entreprises. La présentation de la dette comme une menace revient à une négation de cette interdépendance, et à la défiguration d’une donnée comptable en un instrument de terreur politique. Dans le monde de la réalité institutionnelle, dans un système monétaire souverain, la dépense publique précède la fiscalité, et la dette publique un outil de souveraineté monétaire. L’État n’attend pas de lever l’impôt – et n’en est pas dépendant – pour dépenser. Non, il dépense d’abord, créant ainsi les revenus qui seront ensuite imposés. La fiscalité ne sert donc pas à «financer» l’État, mais à réguler la demande, à redistribuer les richesses, à donner de la valeur à la monnaie. Les dépenses publiques injectent de la monnaie dans l’économie, tandis que les taxes la retirent pour éviter la surchauffe. La véritable contrainte n’étant pas financière mais tangible : tant qu’il existe des ressources inutilisées — chômage, capacités de production sous-exploitées, infrastructures à construire — l’État peut et doit dépenser pour les mobiliser. C’est l’inflation qui est la seule limite, non le solde budgétaire. Si et quand elle se manifeste, elle se combat en ajustant les politiques fiscales et monétaires pour contenir la pression sur les prix, pas en réduisant les dépenses utiles. En créant de la dette, l’Etat ne fait pas appel à une épargne préexistante, mais génère un actif sûr qui sert à stabiliser le système financier. La Banque centrale, pour sa part, a toujours la capacité d’intervenir sur ce marché pour garantir sa liquidité. C’est ce qu’a montré la BCE en rachetant massivement des titres publics après la crise de 2008 et pendant la pandémie. Loin de conduire à la catastrophe, ou de déclencher une bombe à retardement, ces mesures ont au contraire maintenu la stabilité. Que l’on comprenne enfin cette articulation fiscal-monnaie car il n’y a pas deux sphères séparées : l’une budgétaire, l’autre monétaire. Il y a un continuum – un circuit – où la dépense publique, l’épargne privée et l’action de la Banque centrale s’imbriquent. Que l’on crève enfin l’abcès de cette analogie simpliste qui ignore la nature fondamentale de l’État en tant qu’émetteur de monnaie.

 

Le vrai populisme : l’austérité comme horizon

Les populistes de la peur se complaisent pourtant dans une vision réductrice de l’économie qui, en réalité, représente leur fonds de commerce électoral. En effrayant les citoyens avec des scénarios apocalyptiques – inflation galopante, faillite grecque bis, F.M.I. –, ils instrumentalisent des peurs irrationnelles pour imposer des sacrifices. Ce populisme de la rigueur a une fonction politique évidente : transformer une question démocratique — à quoi voulons-nous consacrer nos ressources collectives ? — en une pseudo-nécessité comptable. Il dépolitise le débat en le réduisant à un chiffre – le niveau de dette – alors que les véritables enjeux sont la répartition des richesses et l’orientation des investissements publics. L’escroquerie intellectuelle de la gestion du budget d’un pays souverain en «bon père de famille» vise en fait le rétrécissement de l’Etat qui fera de nous une société d’aigris. Refuser cette vérité, c’est condamner la France à l’austérité permanente, au sous-investissement chronique, au délitement des services publics. C’est refuser de voir que nous avons les moyens monétaires d’assurer la transition écologique, de renforcer l’hôpital, de financer la recherche et l’éducation.

 

Les dépenses publiques injectent de la monnaie, les impôts la régulent. La dette est une écriture comptable, non un vice. Une politique audacieuse de la dette n’est pas un problème si elle sert le bien commun : c’est l’austérité qui l’est.

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