Splendeurs et misères du libéralisme
Coll. L’esprit économique, L’Harmattan, 2012, 172 p., 18 euros.
Denis Clerc
Alternatives Economiques n° 321 – février 2013
Réduire les déficits publics en période de crise ? La mauvaise méthode consiste à imposer l’austérité, ce que l’auteur appelle “la tyrannie de la rigueur”, une punition qui aggrave le mal. Car réduire la dépense publique, c’est aussi, inévitablement, réduire l’activité, donc les rentrées fiscales.
La bonne, au contraire, table sur le déficit public, “seul moteur encore à disposition de l’activité économique, seule bouée de sauvetage de la croissance“. Car maintenir, voire accroître, la dépense publique est “un authentique instrument de résurrection économique qui remplace efficacement l’investissement privé en cas de crise”. Et si la charge de remboursement devenait trop lourde, un financement direct de la banque centrale permet d’y échapper. Au prix d’une inflation à venir ? Pourquoi pas, puisque, en tranchant “dans le vif de toutes les dettes, publiques et privées“, elle contribue à “soulager et les populations et les déficits de tous ordres“.
Certes, Michel Santi n’est pas le seul à soutenir cette approche très keynésienne d’une dette – pas seulement publique – motrice de l’activité. Mais il le fait sans fard et avec l’autorité que lui confère sa compétence économique et financière de conseiller de banques centrales. Pour lui, la crise de la monnaie commune appelle une “gouvernance fédérale solidaire“, avec “union fiscale en bonne et due forme“, financement des déficits par la Banque centrale européenne et contrôle des flux de capitaux au sein de l’Union.
Tout le contraire des préceptes du néolibéralisme qui enferment les pays concernés dans une spirale déflationniste meurtrière : les marchés sont supposés autorégulateurs et efficients, le profit des entreprises présenté comme seul critère de bonne santé économique, l’Etat ringardisé et la microéconomie sanctifiée au détriment de toute approche macro, comme si le tout n’était que la somme des parties.
Le livre, on le voit, est particulièrement décapant. Mais, dans sa charge contre l’austérité et pour l’utilisation de la dette publique comme instrument de relance, ne va-t-il pas trop loin ? Il semble en effet persuadé que, mécaniquement, la dépense publique peut permettre de retrouver un rythme de croissance plus élevé, que ce dernier est possible et souhaitable. Possible : le dopage de l’économie française par la dette publique, qui dure depuis plus de trente ans, n’a pas donné de résultats très significatifs. Et, quand bien même ce serait le cas, est-il vraiment souhaitable de sortir de nos difficultés en tablant sur la croissance ? On aurait aimé que l’auteur aborde de front ces questions qu’il effleure à peine. Reste un livre bien écrit, très argumenté et souvent convaincant.
Coll. L’esprit économique, L’Harmattan, 2012, 172 p., 18 euros.
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