Qu’est-ce qui fait courir la Fed ?

juin 23, 2009 0 Par Michel Santi

En 2008, les craintes inflationnistes avaient commencé à se dissiper dès l’été et ce à partir du moment oà¹, au mois d’Aoà»t, la conjoncture économique Américaine faiblissait dangereusement. La Production Industrielle US négative de 1.1% publiée le 15 Septembre fut la première statistique à prouver un affaiblissement économique notoire qui contaminait usines, mines et d’une manière générale tout l’appareil de production Américain. La fabrication d’autos s’était ainsi effondrée à – 12% au plus bas depuis 10 ans, et ce mal s’étendait à l’ensemble de l’éventail productif, des fournitures pour le bâtiment aux semi conducteurs…

En fait, l’économie US était à l’époque en récession depuis déjà neuf mois mais la Fed ne le savait pas encore de manière officielle par les chiffres du P.I.B. même si la statistique de la Production Industrielle du 15 Septembre lui indiquait sans équivoque un déraillement en cours de son économie! Par ailleurs, le taux d’inflation bien en-dessous de ses objectifs, la faillite de Lehman survenue la veille ( Dimanche 14 Septembre ) et la déroute boursière du Lundi 15 auraient été d’autres motifs suffisants et susceptibles de motiver une baisse de taux agressive à l’occasion de sa réunion tenue le lendemain 16 Septembre. Pour couronner le tout, un besoin impératif de stimulation de l’économie était très clairement signalé par le marché obligataire qui escomptait au lendemain du 15 Septembre un taux d’inflation sur 5 ans à des niveaux inédits de 1.23%…

En dépit de l’intensification des signaux annonciateurs de récession et de la dégringolade des anticipations inflationnistes, la Réserve Fédérale réagit pourtant à l’issue de sa réunion du 16 par un communiqué Soviétique selon lequel les potentialités d’une récession étaient contrebalancés par une inflation qui risquait, selon elle, de s’accélérer! Morceaux choisis en traduction libre: ” Le FOMC a décidé aujourd’hui de maintenir le taux des federal funds à 2%. (…) L’inflation a été élevée du fait de prix élevés énergétiques et des matières premières. (…) Le FOMC est préoccupé tant par le ralentissement de la croissance que par la montée des risques inflationnistes.” En résumé, il est navrant de constater que la montée en puissance de cette crise ait été gérée par la Banque Centrale Américaine à l’occasion de cet épisode fondamental sans une once de pro activité ou de “forward looking” ( esprit visionnaire ). L’analyse – et la critique – sont certes faciles aujourd’hui mais la Fed aurait au moins pu, en effectuant sa synthèse, se donner la peine de scruter les marchés boursiers et obligataires qui, constamment en avance d’une guerre sur elle depuis Décembre 2007, anticipaient en Septembre 2008 un tassement de l’inflation et une montée en puissance de la récession!

Une politique monétaire ne se décide certes pas sous la pression des marchés financiers mais le fait est que ceux-ci ont indéniablement escompté dans leurs prix une situation que la Réserve Fédérale US a délibérément choisi de ne pas interpréter comme étant des signaux d’alarme. En réalité, le communiqué de la Fed – qui se voulait neutre car expliquant avec langue de bois que les risques de récession et d’inflation étaient équivalents -, dévoile tout bonnement l’état d’incompréhension et de perplexité de la Banque Centrale par rapport à sa propre évolution économique! Ayant ainsi délibérément opté de ne pas écouter le message explicite envoyé par les marchés, la Fed fut donc dès lors confrontée à une situation qui se dégradait crescendo car elle s’obstinait dans l’adoption de mesures visant à renflouer le système financier au lieu d’adopter une politique monétaire expansionniste.

Ainsi, en dépit de l’indice Standard & Poor’s qui perdait près de 18% la semaine du 6 Octobre, la Réserve Fédérale insufflait un dose supplémentaire de perplexité sur les marchés en prenant ce même 6 Octobre la décision invraisemblable – et sans précédent depuis sa création – qui consistait à rémunérer les réserves déposées par les Banques dans ses livres. Cette mesure impossible à justifier fut interprétée de la seule manière possible, c’est-à -dire comme une mesure de resserrement de politique monétaire dans un contexte de tempête financière! Et acheva en conséquence de déboussoler marchés obligataires (qui précipitèrent aux oubliettes dès le lendemain leurs anticipations d’inflation) ainsi que plus généralement les marchés financiers qui subissait de plein fouet une remontée des taux d’intérêts réels provoquée par le raffermissement du billet vert ainsi que par l’effondrement de la Production Industrielle, du marché immobilier, des bourses et des matières premières…autant d’évènements spectaculaires qui plaidaient indubitablement pour des mesures opposées à celles adoptées par la Fed, à savoir en faveur d’un assouplissement massif de sa politique monétaire traditionnelle en ces semaines tourmentées.

Pour autant, le discours de Bernanke du 15 Octobre qui évoquait le contexte macro économique très difficile que traversait l’économie de son pays ne tablait nullement sur un rétablissement du système financier grâce au rétablissement de la croissance. En réalité, les autorités monétaires US, accordant toute leur attention, toute leur énergie et tous leurs deniers à leur système financier, étaient persuadés que la crise financière se devait d’être solutionnée avant la crise économique. En d’autres termes, confirmant ainsi sa propension à prendre des décisions plus inspirées par l’usage du rétroviseur que par l’anticipation pro active, la position de la Fed était limpide : Pas de retour à la croissance sans sauvetage du système financier!

La décision de ne pas stimuler dans l’immédiat l’économie par un assouplissement de politique monétaire fut donc prise sciemment et en toute connaissance de cause, la priorité étant donc de résoudre l’imbroglio financier! Morceau choisi du discours de Bernanke le 15 Octobre en traduction libre : ” La trajectoire de l’activité économique des prochains trimestres dépendra en finalité du degré de retour à la normalité des marchés financiers et des crédits”. Au demeurant, cette approche déplut hautement aux marchés financiers qui poursuivirent leur détérioration en même temps que l’ensemble de l’économie sans pour autant que la Banque Centrale ne réduise ses taux qui étaient toujours à 1%…En effet, les taux d’intérêts Américains officiels furent maintenus à ce niveau tout au long du mois de Novembre 2008 en dépit de l’écrasante majorité des modèles macro économiques qui, indiquant un resserrement de facto de politique monétaire, plaidaient désespérément pour une politique expansionniste.

Pour la Fed – et comme en 1930 -, le diagnostic était clair : c’était l’implosion du secteur bancaire qui affectait la vie économique et non l’inverse. Pourtant, Lehman n’aurait probablement pas sombré dans la faillite si l’économie Américaine n’était en récession depuis 9 mois!

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