Etats-Unis, Chine : Pour le meilleur et pour le pire

août 5, 2009 0 Par Michel Santi

Les masses de liquidités généreusement fournies par la Réserve Fédérale US se logent progressivement vers les marchés boursiers, obligataires ainsi que vers les matières premières à mesure que la sérénité s’installe parmi les investisseurs et spéculateurs. Les sommes acheminées ainsi vers les Bons du Trésor US sont si importantes que le papier à 10 ans ne parvient toujours pas à dépasser la barre des 4%…

Clairement, ce terreau est favorable à l’émergence d’une nouvelle bulle aux conséquences évidentes, le poids de ces opérations et transactions étant à terme susceptible de crever le plancher sur lequel elles reposent. Le maintien des taux d’intérêts Américains à leurs niveaux actuels ne manquera donc pas de susciter et de maintenir une nouvelle bulle à l’instar du boom immobilier ayant été stimulé par les taux bas de la période ayant suivi l’implosion de la bulle des valeurs technologiques…Soucieuse de ne pas répéter sempiternellement les erreurs du passé lui ayant considérablement terni sa réputation auprès des citoyens de son pays, la finance Américaine semble avoir opéré un changement subtil de stratégie consistant à canaliser une partie substantielle de cet excès de liquidités hors des Etats-Unis : Il vaudrait en effet mieux que, si nouvelle bulle il y a, elle se crée hors du pays!

Ayant un marché immobilier sur évalué de l’ordre de 100%, la Chine plie ainsi littéralement sous le poids d’une liquidité qui envahit tous ses secteurs d’activité. Le montant des nouveaux prêts totalise ainsi 1’000 milliards de dollars pour le seul premier trimestre 2009, chiffre en augmentation vertigineuse par rapport à 2008 qui avait enregistré 600 milliards de dollars de nouveaux crédits sur toute l’année. L’endettement actuel des Chinois atteignant la ratio effroyable de 25% du P.I.B. du pays!

La pression est donc nettement moins intense sur les responsables privés et publics US ayant ainsi refilé le témoin à leurs confrères chinois et qui partent du principe que la Chine peut s’accommoder de cette bulle et même la digérer sur quelques années. Pour autant, ils sont parfaitement conscients des risques d’implosion prématurée – et dramatique – de cette bulle en cas d’appréciation du dollar. Laquelle remontée du dollar pourrait être provoquée par la hausse des taux d’intérêts Américains dans le cadre de la lutte de la Fed contre une intensification des pressions inflationnistes. Sous le poids de liquidités qui quitteront le pays, la gigantesque bulle chinoise implosera donc dès lors que le billet vert bénéficiera d’une inversion de sa tendance baissière.

De fait, les périodes ayant connu un dollar faible ont toujours été des périodes de formation du bulles dans les marchés émergents, bulles ayant systématiquement implosé dès l’inversion de tendance du billet vert. La politique monétaire Américaine pourrait ainsi constituer un puissant catalyseur à même de précipiter la déliquescence chinoise par le biais d’une appréciation importante du dollar. Des précédents existent : Au début des années 80, Paul Volker alors Président de la Fed avait considérablement augmenté les taux d’intérêts US afin de lutter contre de fortes pressions inflationnistes, donnant du même coup une impulsion substantielle au dollar dont le contre coup fut la crise d’Amérique Latine…

Dans l’hypothèse – tout à fait réaliste au vu des injections massives de liquidités – d’une résurgence inflationniste, la Fed pourrait certes temporiser en ne resserrant pas immédiatement sa politique monétaire avec toutefois un risque évident d’aggravation de cette inflation qui nécessiterait une réponse rapide et brutale sous la forme d’une remontée importante des taux Américains, préalable à une appréciation subséquente et mécanique du dollar. Néanmoins, ce retour à une inflation qui imposerait de telles mesures énergiques est loin d’être acquis dans un contexte de reprise économique Américaine qui resterait tout compte fait assez molle.

En conséquence, le scénario idéal pour la Chine – mais également pour les marchés financiers US -consisterait en un maintien du taux de chômage aux Etats-Unis autour des niveaux actuels qui éviterait ainsi l’emballement de la machine avec à la clé une reprise quasi certaine de l’inflation, un raidissement de politique monétaire, une remontée du dollar et la liquéfaction de la bulle chinoise. Les Etats-Unis se retrouvent ainsi face à un dilemme authentiquement cornélien, existentiel, car tandis que l’amélioration du chômage serait la meilleure façon de hisser leur économie réelle hors de son marasme actuel, elle constituerait également une périlleuse menace pour leurs marchés financiers.

Démonstration supplémentaire – si besoin était – que les intérêts du monde de la finance et du travail ne se rejoignent pas en tous points.

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