Le débat national sera stérile sans vraies décisions en faveur de la croissance et du pouvoir d’achat

Le débat national sera stérile sans vraies décisions en faveur de la croissance et du pouvoir d’achat

février 19, 2019 0 Par Michel Santi

Si un référendum devait être organisé à l’issue du grand débat national, si la volonté du Président est de réellement faire pencher la balance en France en direction d’une politique favorisant clairement la croissance et donc le pouvoir d’achat, cette consultation devra porter sur les règlements européens en matière de déficits publics ainsi que sur la modification de la cruciale mission de la Banque Centrale Européenne. Le peuple français devra être appelé aux urnes pour donner un mandat à son Gouvernement d’infléchir de manière déterminante et les attributions de cette institution et ces 3 et 60% qui ne sont justifiés par aucun critère fondamental.

Mais revenons aux sources de la construction européenne qui fut modelée, depuis le milieu des années 50, par l’opposition souvent frontale entre ordolibéralisme allemand et Colbertisme (ou Etatisme) français. Car mercantilisme et keynésianisme ont alternativement coloré l’élaboration des traités et conditionné les politiques de la Communauté européenne dans un premier temps, puis de l’Union. Tandis que la France a une longue tradition sociale visant à protéger les plus démunis à travers la redistribution, l’ordolibéralisme allemand – théorisé et mis en application par Ludwig Erhard, Ministre des Finances dès 1949 avant de devenir Chancelier en 1963 – prône pour sa part la compétition à tous les niveaux. L’impulsion ordolibérale constamment mise en avant par l’Allemagne dans la construction européenne a donc souvent tenté de prendre le dessus, même si la France a fait de son mieux pour contrer ou pour modérer cette tendance naturelle des allemands. Souvenons-nous à cet égard de l’intransigeance de Nicolas Sarkozy Président, opposé à mentionner en 2007 la « libre compétition » parmi les objectifs et priorités du Traité de Lisbonne. Le Traité de Maastricht lui-même fut-il le résultat d’un compromis entre les deux principaux protagonistes de l’Europe, modelé toutefois afin de rassurer l’Allemagne ayant fait une concession majeure – l’abandon de son deutschemark – en échange d’une banque centrale indépendante qui serait basée à Francfort et dont l’objectif incontournable serait de maintenir un taux d’inflation bas. Ce Traité ne fut donc pas – et de loin – une victoire indiscutable pour l’Allemagne ordolibérale qui renonça ainsi à son joyau, non sans exiger en retour une orthodoxie comptable clairement quantifiable (les fameux critères des 3 et des 60%), promoteurs de responsabilité fiscale à l’attention des nouveaux arrivants apportant dans leurs bagages une monnaie endémiquement faible couplée à un taux d’inflation souvent à deux chiffres. Les critères devaient donc imposer un cadre général – et des garde fous – censés laisser libre cours à une concurrence et à une compétition libérées au sein même de l’Union monétaire.

A présent que la Grande Bretagne et que sa troisième voie néolibérale ayant toujours eu des difficultés à se faire entendre en Europe ne feront plus partie de l’Union, le dirigisme français et l’ordolibéralisme allemand seront livrés à eux-mêmes, et resterons donc face à face dans leurs tentatives de prendre le dessus sur la politique économique de l’Union. Profitons donc d’un référendum (suite au grand débat national) qui, logiquement, donnera toute sa légitimité à un mandat accordé à notre Président et à son Gouvernement afin d’exiger de l’Europe la suspension des critères sur les déficits et la modification des statuts de la BCE. Sans vouloir être technique, il est tout à fait réaliste d’indexer ces critères sur les déficits publics sur la croissance économique de telle sorte à ce que les comptes doivent être ramenés en-deçà de certains niveaux seulement – et seulement quand – la croissance dépasse un certain palier. En économie, cela s’appelle une politique contra cyclique. Quant à la BCE, elle se devra d’être modelée à l’image de la Réserve Fédérale américaine dotée du fameux « dual mandate » mettant au même niveau dans sa mission la promotion de la croissance et la lutte contre l’inflation.

Que la clôture de ce grand débat soit couronnée par les vraies impulsions qui – seules – ramèneront croissance et pouvoir d’achat : libération (au moins provisoire) du carcan des critères de Maastricht et leur indexation sur le taux de croissance, attribution à la Banque Centrale Européenne d’un rôle actif et lissant sur l’économie, comme dans cet autre pays qui s’en sort traditionnellement toujours mieux que nous et qui sont les Etats-Unis.

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