Pour l’Europe, c’est marche ou crève !

juin 17, 2011 0 Par Michel Santi

L’Euro se meurt. Il agonise de l’incompétence et de l’indécision de nos responsables politiques qui ne parviennent toujours pas à entreprendre des réformes de fonds en l’absence desquelles l’union monétaire implosera tôt ou tard. Cette mort lente, à petit feu, est aujourd’hui susceptible de se transformer en cataclysme abrupt et il suffit, pour s’en persuader, d’observer les prix des CDS – credit default swap – qui mesurent les anticipations des marchés relatives au défaut de paiement des dettes souveraines. Ainsi, alors que les CDS Islandais, pays ayant déjà déclaré banqueroute vis-à-vis de ses créanciers privés il y a plus de deux ans, naviguent autour de 200, les CDS Irlandais, Portugais et Grecs se retrouvent respectivement autour de 650, de 710 et de…1500 ! A cet égard, il serait tout à fait erroné de croire que des économies européennes déséquilibrées, offrant comme triste spectacle des comptes publics délabrés et des endettements privés ingérables, soient seules responsables de cette crise européenne majeure.

En réalité, cette crise est précisément aujourd’hui devenue majeure et elle a échappé à tout contrôle du fait même d’une politique européenne complètement inadaptée aux besoins d’une union monétaire dans notre monde actuel. Les jours de l’Euro pourraient en effet être menacés, non par la faute des déficits abyssaux de certains Etats européens, mais tout simplement comme conséquence des dérapages politiques européens ayant abouti à une cacophonie inadmissible dans le cadre de la tourmente grecque, pour ne citer qu’elle… A force de tergiversations, les restructurations de dettes – terme élégant pour annoncer la faillite – sont donc devenues inévitables en Grèce mais également en Irlande et au Portugal. Il est tout de même impensable que, parvenus à un stade si aigu de la crise, les divers dirigeants européens ne prennent toujours pas conscience que c’est la dissolution de l’Union – en tout cas comme on l’a connaît depuis un plus d’une décennie – qui est au menu s’ils ne se décident enfin à aborder sérieusement le dossier de l’union fiscale !

Une Trésorerie Européenne se doit ainsi d’être créé, conclusion logique de l’harmonisation fiscale de l’ensemble des membres de l’Union, qui agira comme amortisseur de chocs nécessairement produits par des nations aux rythmes d’activité et aux diagnostics vitaux souvent divergents. A même de lever des fonds via l’émission d’obligations, ce Ministère des Finances Européen remplirait en même temps une fonction d’organe de transferts fiscaux des nations les plus aisées au bénéfice des pays à la dérive. De tous les hauts dirigeants européens – peut-être parce qu’il n’est pas soucieux de sa ré élection prochaine du fait de sa retraite prévue en Octobre de cette année? – Jean-Claude Trichet, patron de la BCE, est aujourd’hui le seul à plaider pour un organisme financier central en charge des finances de l’Union. Car, sans une union fiscale en bonne et due forme, les déséquilibres tout à la fois endémiques et massifs européens finiront bien par avoir raison de la zone Euro, soit par une sortie progressive et inéluctable de ses membres les plus fragilisés, soit par l’implosion tout aussi globale que soudaine de l’ensemble de son architecture !

Il serait tellement plus avantageux pour toutes les nations de l’Union de passer par l’indispensable case « union fiscale » que d’avoir à endurer les affres de la cassure monétaire qui s’accompagnerait de son lot de faillites bancaires, de défauts de paiement des dettes souveraines, voire de rétablissement du contrôle des changes et de gel des marchés obligataires… Décision politique – au sens noble du terme – par excellence, cette union fiscale semble toutefois impossible à réaliser dans le paysage politicien actuel prévalant dans les différents pays de l’Union. En effet, ce n’est pas seulement l’Allemagne qui y opposera son veto, ce n’est pas uniquement le Gouvernement fragilisé et mis en difficulté dans les élections régionales de Madame Merkel qui refusera d’avaliser une telle union fiscale, ce n’est pas exclusivement l’électeur et contribuable de ce pays qui refusera de participer financièrement au sauvetage du projet européen… Comme « union fiscale » rimera nécessairement avec sacrifices et austérité supplémentaires, les pays sinistrés eux-mêmes s’y refuseront également car leurs citoyens sont devenus totalement désenchantés – voire dégoûtés – de ce qui fut un temps pour eux le « rêve » européen.

Par ailleurs, la crise ayant eu jusque là raison des dirigeants en place en Irlande, aux Pays-Bas, en Finlande, au Portugal, inutile d’espérer une quelconque prise de risque de la part des dirigeants nationaux actuellement en poste qui ne voudront évidemment pas hypothéquer leur carrière en échange d’une impulsion quelconque en faveur de l’union fiscale. En fait, les gouvernements actuels seront, d’une manière ou d’une autre et à plus ou moins court terme, tous sacrifiés à l’autel de cette crise pour être graduellement remplacés par des personnes qui auront été élues sur la base de plate formes opposant, pour les plus aisées, toute assistance à des nations sinistrées et, pour les nations d’Europe périphérique, tout plan de renflouement doublé par davantage de rigueur. En conclusion, comme les perspectives de cette indispensable union fiscale européenne seront encore moins envisageables politiquement demain qu’elles ne le sont aujourd’hui, nos responsables se doivent d’agir immédiatement dans le sens de cette harmonisation financière. A moins d’avoir déjà fait leur deuil de l’Euro…

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