BCE : Peut et doit beaucoup mieux faire !

mars 12, 2012 0 Par Michel Santi

Difficile de nos jours de ne pas rendre grâce à Mario Draghi qui, en soutenant activement le système bancaire européen, a instauré une cessation des hostilités entre les marchés financiers et l’Europe périphérique tourmentée. Une certaine distance par rapport à ces acclamations quasi unanimes serait néanmoins de salut public car la Banque Centrale Européenne se contente en réalité du service minimum. Il conviendrait, en d’autres termes, de se montrer plus critique envers son action – voire de faire monter la pression – car, si lui et ses collaborateurs pourraient s’endormir sur leurs lauriers, les affres des marchés sont d’autant plus susceptibles de s’accentuer que les fondamentaux de certaines économies périphériques sont proprement catastrophiques.

 

La récession, qui s’est effectivement installée dans l’Union au dernier trimestre de l’année dernière, devrait également marquer ce début 2012. Est-ce la crise financière ayant atteint son climax à la fin de l’été dernier qui est principalement responsable de ce coup d’arrêt à la croissance ? Ou, à rebours, n’est-ce pas plutôt cette mièvre activité économique européenne depuis 2007 qui a amplifié les conséquences de la crise financière ? De fait, l’Union est – parmi les nations aux économies dites « intégrées » – le plus mauvais élève, hormis le Japon qui ne saurait (hélas pour lui) constituer de modèle à suivre. Avec une croissance nominale de leur P.I.B. sur l’ensemble de la période considérée (de 2007 à 2011) de 6.2% pour le Canada, de 3.5% pour les Etats-Unis, de 3.6% pour la Grande Bretagne, la France et l’Allemagne restent loin derrière avec respectivement 2.3% et 2% sachant que l’Italie affiche pour sa part une croissance de … 0.2% entre 2007 et 2011 ! Les raisons profondes de ce décalage – souvent choquant – entre les activités économiques européennes et du reste de l’Occident résident en fait dans l’activisme et l’efficacité de leurs banques centrales respectives.

 

La stagnation du P.I.B. italien de 2007 à nos jours étant en effet principalement imputables à la frilosité de la BCE en terme de stimuli, d’injections de liquidités et de politique monétaire tandis que des établissements comme la Réserve Fédérale ou comme la Banque d’Angleterre n’ont pas lésiné sur les moyens. Pire encore puisque, contre toutes attente et logique, la très orthodoxe BCE avait même entamé une hausse de ses taux d’intérêts au début 2011 qu’elle a mis plusieurs mois à corriger puisqu’elle n’est revenue qu’en fin d’année et à la faveur de l’entrée en fonction de Draghi au niveau des 1%. La BCE se comporte comme si sa seule et unique préoccupation se bornait à renflouer les banques tout en affichant une indifférence royale vis-à-vis du soutien de la croissance de la région dont elle est responsable. En fait, ses interventions sont calibrées strictement et parcimonieusement pour un impact bénéfique sur le système financier de l’Union et nul sur la relance de l’activité européenne.

 

Les rendements sur 10 ans des Bons du Trésor espagnols et italiens ont certes repassé sous la barre des 5% mais le taux du chômage de l’Union, lui, ne fait que s’aggraver, atteignant 10.7% en Janvier dernier. Et ce pendant que l’Irlande ou le Portugal subissent près de 15% de sans emplois et que l’Espagne caracole en tête de ce sinistre palmarès avec près d’un quart de sa population active au chômage ! Comment faire comprendre à la BCE qu’il sera impossible à ces nations de payer ne serait-ce qu’une infime partie de leurs dettes alors que leurs économies sont en plein déclin ? Elle devra donc poursuivre ces opérations, voire leur faire franchir des degrés supérieurs, et ce dans un climat où sa gouvernance est quotidiennement remise en question par l’élite de la finance allemande. Référons-nous à cet égard à la lettre incendiaire qui déplore la baisse des standards de l’établissement européen que vient de faire parvenir Jens Weidmann, patron de la Bundesbank, à son confrère Draghi. Ou des toutes récentes déclarations de Jürgen Stark, ancien membre du comité directeur de la BCE, qui vient de qualifier de « choquant » le bilan de la banque centrale.

 

Pourtant, la réalité – voire l’honnêteté intellectuelle – force à constater que ces quelque 650 milliards d’Euros injectés par la BCE depuis 2009 dans le système financier européen n’ont bénéficié qu’aux banques et bien-sûr aux bourses qui, elles, se sont redressées de façon assez spectaculaire depuis quelques mois. Mario Draghi a certes sauvé de l’implosion le continent et la Grèce d’une faillite désordonnée. Pour autant, si l’objectif premier comme il se doit est bien de sortir l’Union de sa récession, la BCE devra imprimer encore beaucoup beaucoup plus d’Euros.

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